Consolider ses relations avec les ports d’Afrique subsaharienne, telle semble être l’ambition de Tanger Med. Le complexe portuaire marocaine a multiplié, ces deux dernières années, les partenariats dans des projets de développement avec plusieurs complexes portuaires du continent à travers Tanger Med Engineering (TME), filiale de l’Agence spéciale Tanger Méditerranée (TMSA). TME est une société d’ingénierie spécialisée dans la planification, la conception, le management des travaux ainsi que la gestion du patrimoine des ports et des plateformes maritimes, logistiques et industrielles. Elle intervient dans le périmètre du complexe industrialo-portuaire Tanger Med, mais aussi pour des projets structurants au Maroc et à l’international.
Trois mois auparavant, le 17 février 2023, TMSA avait signé un mémorandum d’entente avec le Port autonome de Kribi (PAK) au Cameroun, pour le développement d’une zone industrielle intégrée au niveau de la plateforme portuaire, dont les coûts sont estimés à 900 millions de dollars.
D’après PAK, ce projet vise à «aménager une superficie brute de 1.500 hectares pour l’implantation d’activités logistiques et industrielles, avec la création de plus de 50.000 emplois directs, ce qui permettra d’élargir l’aire du port. TMSA sera l’un des actionnaires du projet aux côtés du transporteur CMA CGM, du chinois China Harbour Engineering (CHEC), et du français Bolloré Africa Logistics. Trois entités qui contrôlent 80% du terminal à conteneurs géré par Kribi Conteneurs Terminal (KCT).
En Guinée, Tanger Med y élargit aussi ses bases. En novembre 2022, le port paraphe un contrat d’accompagnement avec la Société navale guinéenne (SNG), dans le cadre la construction d’un quai et d’une digue de protection au port de Sandervilla. Concrètement, Tanger Med Engineering accompagnera la SNG, sur une période de 18 mois, dans la conception des ouvrages qui tiennent en compte les conditions hydrographiques et océanographiques locales, géotechniques et l’assistera dans la préparation des devis de constructions pour la réalisation d’ouvrages sécuritaires et pérennes.
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D’après TME, «ce projet a été mis en place pour désenclaver les zones riveraines et booster le rendement agricole et halieutique pour un développement durable, mais aussi pour pallier les nombreux déficits en matière d’infrastructures aéroportuaires de base».
Dans un article publié sur son site le 25 avril 2023, le magazine Africa Intelligence révélait même que TME devrait récupérer les projets d’aménagement des ports de Konta (au sud de Conakry), de Dobaly (au nord de Conakry) et de Gonzalez. L’Agence nationale d’aménagement des infrastructures minières (ANAIM) souhaite stopper sa collaboration avec le groupe indien Ashapura Minechem, en charge de ce mégaprojet, en raison «de retards dans la construction des infrastructures».
Le 31 mars 2022, Tanger s’alliait au ministère des Transports ivoirien, pour une collaboration articulée autour de neuf axes, notamment dans les domaines de l’activité portuaire, du commerce, de l’industrie et de la formation professionnelle. Le port marocain accompagnera aussi l’Etat ivoirien dans le projet de développement d’un pôle économique autour du Port autonome de San-Pedro, qui permettra de décongestionner le port d’Abidjan.
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Deux mois plus tard, c’est au tour du Port autonome de Dakar de nouer un partenariat avec le hub maritime marocain, le 13 juillet. Un accord cadre qui prévoit un échange d’expériences et de connaissance en matière de conseil et d’accompagnement «dans la planification, le développement, l’aménagement, et la construction des infrastructures portuaires et des plateformes logistiques. Développer des activités visant l’aménagement des installations industrialo-portuaires, le commerce maritime et portuaire et les lignes maritimes», selon les deux institutions.
Le lancement d’une nouvelle ligne maritime le 15 mai 2023, par le port Tanger Med, fournie par l’armateur Hapag-Lloyd, pour relier les ports de Nouakchott, de Freetown (Sierra Leone), de Conakry, de Monrovia, marque une nouvelle étape dans ses ambitions africaines.
Développer un corridor économique
Interrogé par Le360Afrique sur ces nombreux partenariats de Tanger Med, Najib Cherfaoui, expert portuaire et maritime estime que ces initiatives lui permettront de renforcer ses relations avec les ports du continent. Mais selon lui, au-delà de ces accords, TME doit surtout miser davantage sur le développement de nouvelles routes maritimes. «En Afrique, il n’y a pas un corridor Nord. Il y a actuellement les trois directions Est, Ouest et Sud. Le système portuaire du Maroc peut offrir l’option Nord, nécessairement maritime, pour un corridor économique. Les corridors de transport offrent bien plus de possibilités que simplement relier deux régions données», explique-t-il.
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D’après notre interlocuteur, ce projet pourra être mis en œuvre en collaboration avec les dix-huit armateurs qui opèrent des dessertes maritimes sur les ports africains, principalement MSC, qui a acquis Bolloré Africa Logistics en 2023, Hapag-Lloyd, ou encore Maersk.
Selon lui, cette initiative devrait être mise en place, dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). «Un corridor Nord de transport soutiendra l’intégration, l’industrie et les échanges. Il convient donc, dans le cadre de la Zlecaf, d’initier le renforcement et la mobilisation coordonnée des ressources maritimes, notamment en termes de capacité des flottes de navires de commerce», suggère M. Cherfaoui.