L’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine, marquée par la récente décision américaine d’augmenter les droits de douane sur des produits clés comme les véhicules électriques, les batteries lithium-ion et les cellules solaires, pourrait avoir des répercussions indirectes mais significatives sur les perspectives de développement durable en Afrique.
Bien que l’Afrique ne soit pas directement impliquée dans ce différend commercial, sa dépendance économique vis-à-vis des deux géants la rend particulièrement vulnérable. Selon les données de 2022, les échanges commerciaux entre l’Afrique et la Chine ont atteint un niveau record de 282 milliards de dollars, tandis que ceux avec les États-Unis s’élevaient à 64,3 milliards un an plus tôt.
Une contraction de l’activité économique chinoise, induite par les nouvelles barrières commerciales américaines, pourrait affecter la demande chinoise en matières premières africaines, un secteur clé pour de nombreuses économies du continent. À titre d’exemple, les exportations de pétrole brut angolais vers la Chine représentaient près de 67% du total des exportations angolaises en 2020.
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De même, un ralentissement des investissements chinois en Afrique, qui se sont élevés à plus de 43 milliards de dollars entre 2013 et 2020, pourrait freiner le développement de projets industriels sur le continent.
La transition énergétique dans le viseur
Parmi les produits visés figurent des secteurs stratégiques pour le développement durable africain, comme les véhicules électriques, les batteries lithium-ion et les cellules solaires. Ces mesures pourraient entraver les efforts de promotion des énergies renouvelables et de la mobilité durable sur le continent.
Prenons l’exemple du marché émergent des véhicules électriques. Selon l’Agence Internationale de l’Énergie, les ventes en Afrique devraient connaître un taux de croissance annuel de 24% d’ici 2030, atteignant 5,4 millions d’unités cette année-là. Cependant, les nouvelles barrières sur les véhicules chinois pourraient ralentir cette dynamique en limitant l’accès à des technologies abordables.
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De plus, l’Afrique abrite d’importantes réserves de minéraux critiques comme le cobalt, le lithium et le graphite, essentiels à la fabrication des batteries. La hausse des droits de douane sur ces produits pourrait perturber les chaînes d’approvisionnement et affecter les perspectives d’une industrie locale de production de batteries.
Impacts diversifiés selon les pays
Certains pays africains pourraient être plus exposés que d’autres. En 2022, l’Afrique du Sud a exporté pour 8,5 milliards de dollars de minéraux et métaux vers la Chine. La RDC, premier producteur mondial de cobalt, a exporté environ 90.000 tonnes de ce minerai vers la Chine en 2023. Le Zimbabwe, producteur de lithium, en a exporté 1.200 tonnes la même année.
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La Namibie, exportatrice d’uranium et de zinc, a envoyé 1,2 milliard de dollars de minerais vers la Chine en 2023. Quant au Maroc, il a exporté pour 1,5 milliard de dollars de phosphates, utilisés dans les batteries, vers ce pays en 2022.
Cependant, le Maroc pourrait également bénéficier de cette situation, grâce à son accord de libre-échange avec les États-Unis et à ses efforts pour attirer les investissements chinois dans le secteur manufacturier, via des zones économiques spéciales et des parcs industriels.
A l’inverse de l’AGOA qui cantonne les pays africains au stade de fournisseur de matières premières, l’accord de libre-échange entre le Maroc et les États-Unis permet au Royaume de diversifier ses exportations vers des produits à plus forte valeur ajoutée. Grâce à cet accès privilégié au marché américain, le Maroc a pu développer des filières industrielles compétitives comme l’automobile, l’aéronautique et les technologies vertes. Cet accord bilatéral offre ainsi au Maroc un levier stratégique pour accélérer son industrialisation et attirer les investissements étrangers, y compris chinois, dans des secteurs porteurs.
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Pour sa part, le président sud-africain Cyril Ramaphosa insiste sur la nécessité que l’AGOA aille au-delà des simples préférences commerciales. Il enjoint Washington à soutenir le développement de chaînes de valeur africaines, afin que le continent ne reste pas cantonné au rang de simple producteur de matières premières. Un enjeu crucial pour les secteurs stratégiques des énergies renouvelables et de la mobilité durable, dépendants des minerais africains.
Des enjeux géopolitiques de taille
Depuis son adoption en 2000, l’AGOA visait à stimuler les échanges entre l’Afrique et les États-Unis, en facilitant l’accès au marché américain pour près de 6500 produits africains. Mais dans les faits, les résultats restent mitigés. Si les exportations africaines ont atteint 10 milliards de dollars en 2022 grâce à ce régime, elles restent largement dominées par le pétrole brut. Seulement cinq pays (Afrique du Sud, Kenya, Lesotho, Madagascar et Éthiopie) concentrent les trois quarts des exportations non pétrolières, grâce à des filières comme le textile déjà établies. L’Afrique du Sud, premier bénéficiaire avec 21% de ses exportations américaines sous ce régime, conserve ses avantages malgré les soupçons de livraisons d’armes à la Russie.
Au-delà des considérations économiques, cette escalade des tensions sino-américaines comporte des enjeux géopolitiques majeurs pour l’Afrique. Le continent pourrait se retrouver au cœur d’une rivalité accrue entre les deux puissances pour l’accès aux marchés et aux ressources stratégiques, complexifiant les équilibres régionaux.
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Dans ce contexte volatil, les pays africains devront faire preuve de résilience et de pragmatisme pour préserver leurs intérêts économiques et géopolitiques, tout en poursuivant leurs efforts vers une transition énergétique durable, cruciale pour leur développement à long terme.