Gabon: l'Etat et Veolia s’écharpent après la rupture du contrat

Antoine Frérot, PDG de Veolia.

Antoine Frérot, PDG de Veolia.. DR

Le 27/02/2018 à 14h20, mis à jour le 27/02/2018 à 14h53

La rupture unilatérale du contrat liant l’Etat gabonais au groupe français Veolia continue de susciter des réactions de part et d’autre. Le président gabonais essaie de rassurer l’Elysée et les milieux d’affaires français.

Le groupe français Veolia est mécontent que l’Etat gabonais lui retire son contrat de concession pour la distribution de l’eau et d’électricité. Le management du groupe parle d’un acte «scandaleux», «acte gravissime d’expropriation», de «mensonges éhontés» pour qualifier le retrait du contrat de concession par le pouvoir gabonais.

Cette rupture, intervenue le 16 février courant, résulte des relations tumultueuses entre l’Etat gabonais et le groupe français depuis la signature de ce contrat de concession il y a un peu plus de 20 ans. En résiliant la concession de Veolia, le gouvernement gabonais a réquisitionné les locaux de la filiale gabonaise du groupe.

Pour les autorités gabonaises, cette rupture se justifie par «la dégradation de la qualité du service rendu aux usagers, les efforts financiers consentis par l’Etat non suivis des effets escomptés et les plaintes récurrentes des populations».

Seulement, du côté du groupe français, dont le président Antoine Frérot est monté au créneau, on dénonce «une décision politique et populiste».

Face à cette situation, le président de la multinationale française, présente dans 15 pays africains, a annoncé que des actions judiciaires étaient programmées pour obtenir réparation. Il a aussi souligné que cette décision pourrait avoir des répercussions sur les investissements étrangers en Afrique.

Face à cette situation, le président gabonais, afin d’éviter les dommages collatéraux d’une telle décision, a dépêché son homme de confiance, conseiller en communication et porte-parole de la présidence, Ike Ngouoni, à Paris, pour rassurer les autorités françaises et surtout les membres du Medef, le patronat français, et le Conseil français des investisseurs en Afrique.

Rappelons que la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG), filiale détenue à hauteur de 51% par Veolia, est présente au Gabon depuis 1997 dans le cadre d’un contrat de concession pour la distribution d’eau et d’électricité dans le cadre d’un partenariat public-privé. La société disposait, à travers ce contrat, d'un monopole pour une période de 20 ans. Le gouvernement gabonais avait reconduit ce contrat pour 5 ans, tout en jugeant le bilan des 20 ans «catastrophique».

En cause, les coupures, la qualité de l’eau et les multiples délestages sur le réseau électrique que le gouvernement gabonais attribue au fait que Veolia a insuffisamment investi durant ces 20 ans de concession.

Un argument rejeté par Veolia, qui assure avoir investi 500 millions d’euros durant cette période, soit plus de 4 fois ce que stipulait le contrat entre les deux pays. Et les coupures d’eau sont justifiées du côté de l’opérateur français par le fait que le gouvernement gabonais n’a pas investi dans une usine de production d’eau. Quant à l’Etat gabonais, il assure avoir investi 1,5 milliard d’euros dans la SEEG en 20 ans.

Au cela s’ajoute aussi un différend au niveau de la dette. Le groupe français annonce une créance de 62 millions d’euros à l’égard de l’Etat gabonais, alors que ce dernier parle d’une dette impayée de 6 millions d’euros. Du coup, l’Etat gabonais a demandé un audit sur la manière dont ce montant est calculé.

Par ailleurs, l’Etat gabonais a dénoncé aujourd’hui les dégâts environnementaux causés par le groupe français. Le ministre de la Communication Alain-Claude Bilie By Nze, a souligné ce mardi que «les huiles et carburants sont déversés à même le sol, sans protection, sans précaution, en violation fragrante du code de l’environnement», avant d’annoncer que «des enquêtes seront menées».

Bref, entre Veolia et l’Etat gabonais, la situation ne fait qu’empirer et le point de non retour semble avoir été franchi. 

Par Kofi Gabriel
Le 27/02/2018 à 14h20, mis à jour le 27/02/2018 à 14h53