A Libreville, le projet, longtemps nourri par les autorités, alimente les débats, entre adhésion des uns et réticence des autres. «C'est déjà une ouverture qui va apporter un plus au Gabon, mais qui aussi va faire réfléchir certains partenaires historiques du Gabon, notamment la France», pense Roger Stany Anis Péa, doctorant en histoire des civilisations africaines.
Sur le campus de l'Université Omar Bongo de Libreville, le projet d'adhésion du Gabon au Commonwealth fait débat et chaque étudiant ou enseignant y va de son analyse. Steeve Clé Ewoumbé, est un chercheur plutôt réservé dans son approche du sujet: «C'est d'abord quelque chose qui doit être paraphé, signé, mis en accord. Puis, nous verrons comment la chose prendra forme entre les différents peuples, celui du Gabon et celui du Commonwealth. A partir de cet instant, je crois que tous les éléments seront nécessaires pour pouvoir analyser de quelle manière les différents acteurs pourront échanger dans le cadre d'un partage culturel à travers la langue, qui est l'anglais», dit-il.
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Une partie des Gabonais appelle à la méfiance et s'interroge sur les réelles motivations des autorités de Libreville. Pour ce groupe, le problème, ce n'est pas l'absence d'opportunités d'affaires avec les partenaires historiques du Gabon; il faut plutôt un débat sur l'amélioration du climat des affaires et le respect des principes de bonne gouvernance. Selon Komlan Ogoula, un autre chercheur, il est avant tout nécessaire de former et d'informer la population sur le bien-fondé de la démarche des autorités. «Qu'est-ce que le Gabonais lambda comprend de cette histoire du Commonwealth? Qu'est-ce qu'il comprend d'abord de la Francophonie, dans laquelle nous sommes depuis pas mal de temps? Qu'est-ce qu'il comprend du courant géopolitique dans lequel il va être engagé? La question reste quasiment tout entière», affirme-t-il.
Face aux critiques, les autorités de Libreville ont apporté certaines précisions sur l'adhésion au Commonwealth. Le 31 mai 2021, le porte-parole de la présidence gabonaise, Jessye Ella Ekogha, a indiqué que «l'enjeu pour notre pays est majeur, notamment en termes économiques et de développement, mais aussi sur le plan géopolitique. À l'heure de la mondialisation, il est important que le Gabon s'ouvre à de nouveaux partenariats et à de nouveaux horizons. Or, le Commonwealth est une famille; une grande famille de 54 États qui interagissent.» Et d'ajouter: «Le but pour le Gabon n'est pas de rejeter, comme j'ai pu l'entendre ou le lire çà et là, ses anciennes alliances. Non, le but est de les compléter, de les enrichir avec de nouveaux partenariats.»
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Ce point de vue est soutenu par Yannis Ondoumba, jeune entrepreneur local spécialisé dans la transformation du bois. «Il y aura un transfert de technologie, ce que nous ne voyons pas avec les francophones. Les francophones nous vendent seulement les produits finis, mais ils ne vendent pas la technologie. Ça va nous permettre de créer de l'emploi comme le veut le chef de l'Etat et ça va nous permettre d'être éduqués. Ce qui nous aidera à notre tour de former les gens après nous. Donc c'est toute une chaîne au niveau de l'économie qui verra un boom d'ici quelques années», se réjouit-il.
Notons que l'Afrique, avec 19 membres, forme le plus gros contingent de pays au sein du Commonwealth.