Gabon: quand le droit moderne de succession fait face à la tradition

VidéoUn peu plus de cinq mois après son adoption, le droit de succession vient de faire l'objet d'une campagne de sensibilisation auprès des populations de Libreville. Jusqu'à récemment, c'était en effet le conseil de famille qui décidait de la succession des biens et du passif du défunt.

Le 05/02/2022 à 13h23

La campagne de sensibilisation au droit de succession, menée par l'association L'Appel des mille et une, avait pour but d'édifier plusieurs couches de la société sur un nouveau mode de fonctionnement qui délimite les pouvoirs des individus jouissant de la capacité à agir en cas de décès d’un individu marié.

«J'ai bien fait de venir parce qu'il y a beaucoup de choses que je ne maîtrise pas dans la procédure. Je viens de les découvrir avec la réforme du nouveau Code civil. Je suis juste un peu triste de savoir que beaucoup de femmes ne sont pas venues à cette rencontre alors que ce sont des choses que nous vivons au quotidien», se réjouit Ariane Akéré, une auditrice de la journée de sensibilisation sur les droits successoraux animée par un collectif de magistrats gabonais.

Ariane Akéré est justement concernée par cette problématique pour être en procès avec une partie de la famille.

«Mon défunt père avait deux femmes, dont ma mère. Depuis son décès en 2008, l'un de mes frères issus du premier mariage de papa nous a exclus du droit de succession, malgré l'avis du conseil de famille. J'ai fait appel à la première décision du tribunal et nous attendons le jugement de la cour», confie-t-elle.

Les conflits entre droit traditionnel et droit moderne provoquent encore bien des aléas sur le continent africain, notamment lors du partage des héritages familiaux. Poids de la religion et pesanteurs socio-économiques se mêlent souvent aux règles du mariage coutumier et priment sur celles du civil, occasionnant ainsi de nombreux effets. La société gabonaise n'échappe à ces disputes.

«Nous avons des héritiers légaux qui ont été spoliés par des oncles, des tantes et autres. Donc aujourd'hui, il est question de savoir qui est héritier et qui ne l'est pas. C'est quoi le conseil successoral qui a remplacé le conseil de famille?», se demande Dr Nicole Assélé, présidente du mouvement L'Appel des Mille et une.

Dans la pratique, les guerres intestines sont régulières entre les nostalgiques de la tradition qui s’arrogent des droits légalement dévolus aux ayants-droit. C’est ainsi que les membres d’une famille peuvent unilatéralement décider du lieu d’inhumation et des modalités de traitement des biens du regretté sans tenir compte des dispositions légales applicables en cas de succession en République gabonaise. Le nouveau texte vient trancher le débat et faire taire les polémiques.

«Aujourd'hui au Gabon, il n'existe plus qu'une seule succession, c'est la succession légale où ne sont intéressés que les héritiers légaux à savoir: les descendants, le ou les conjoints survivants et les ascendants. Avant toutes les formalités liées à la succession, le législateur gabonais a pris le soin de protéger la veuve, le veuf et les orphelins en mettant en place un mécanisme de conservation des biens avant la tenue du conseil successoral», détaille Sidonie Flore Ouwé, magistrat.

Il apparaît évident que cette question délicate de la résolution d’une succession n'autorise pas l'ignorance de qui ce fait sens et de ce que in fine «hériter» veut, juridiquement, dire.

Le droit positif gabonais considère la veuve et les orphelins comme héritiers légaux. Cette même loi prévoit également dans son article 647, l'interdiction d'expulser le ou les conjoints survivants ou les orphelins du lieu de résidence familial, ou de commettre des actes de violence ou de spoliation à leur encontre.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 05/02/2022 à 13h23