Guinée: Simandou, l'espoir d'un pays hypothéqué par la corruption

Beny Steinmetz (à gauche) vient de porter plainte contre Georges Soros (au milieu) concernant la rupture du contrat d'exploitation de la mine de Simandou.

Beny Steinmetz (à gauche) vient de porter plainte contre Georges Soros (au milieu) concernant la rupture du contrat d'exploitation de la mine de Simandou. . DR

Le 02/09/2017 à 08h32, mis à jour le 02/09/2017 à 11h48

En Guinée, Simandou, le plus grand gisement de fer au monde, continue à faire couler beaucoup d'encre et de salive. Espoir de tout un pays, son existence se résume pour l'instant à des péripéties judiciaires et des négociations aux issues incertaines.

Quand le géant minier Rio Tinto et l'Etat guinéen ont conclu un accord, en mai 2014, pour l'exploitation de Simandou, le plus grand site de minerai de fer au monde, c'est tout un pays qui était en liesse. Puisque cette exploitation devrait rapporter 1, 2 milliard de dollars par an à la Guinée. Mais l'euphorie fut éphémère. Après la signature, le projet a tardé à démarrer jusqu'à ce que la société Rio-Tinto, présente sur les hauteurs du Simandou depuis 20 ans, avoue son intention de quitter le projet en juillet 2016. Depuis ce retrait du géant minier, Alpha Condé est en quête du partenaire idéal pour exploiter Simandou.

Corruption

En ce qui concerne Rio-Tinto, s'il a lâché Simandou, Simandou ne l'a pas lâché. Suite à des révélations du site d'investigation Mediapart sur un versement occulte du géant minier anglo-australien pour obtenir, en 2011, le permis du méga-gisement de fer, le Serious Fraud Office du Royaume-Uni a ouvert une enquête pour corruption présumée. En juillet dernier, Rio-Tinto a promis de coopérer dans cette enquête. 

De toute façon, c'est la Guinée qui pourrait être la grande perdante dans cette enquête sur le passé de Rio-Tinto. L'affaire pourrait rebondir en Guinée et retarder encore le projet minier même si Conakry arrivait à trouver d'ici là un partenaire pour l'exploitation de son minerai de fer.

Procédures tous azimuts

Sur Simandou, l'enquête contre Rio-Tinto n'est qu'une procédure parmi d'autres. le 25 août dernier, l'ancien ministre des Mines Mahmoud Thiam a été condamné à sept ans de prison par la justice américaine pour blanchiment d'argent, de pots-de-vin dans une autre procédure liée au grand gisement de fer. Les "preuves" de la justice américaine montrent que la corruption a permis à deux groupes chinois d'obtenir des droits et des avantages dans le secteur minier, notamment le droit d'être les premiers actionnaires, avec la Guinée, d'une société minière nationale qui devait récupérer toutes les participations du pays dans divers projets miniers et dans les futurs permis et concessions.

Toutefois, en Guinée, Mahmoud Thiam n'est pas indéfendable. Le journaliste Alpha Abdoulaye Diallo estime que le régime d'Alpha Condé laisse condamner Mahmoud Thiam à 7 ans pour mieux hypothéquer le Simandou. "Pas besoin de consulter les oracles grecs ou la géomancie juive pour se rendre à l'évidence que dans cette affaire, Mahmoud Thiam n'est qu'un bouc émissaire, un maillon faible et que les vrais belligérants s'appellent Soros (le milliardaire George Soros, un des conseillers d'Alpha Condé) et Steinmetz (Beny Steinmetz, le "roi du diamant"), estime le journaliste dans une tribune publiée par plusieurs sites guinéens.

Pour l'instant, Soros semble être en position de force. Visé par une enquête menée par les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suisse, Benny a été interpellé à deux reprises pour des faits de corruption présumée en Guinée. La dernière interpellation est intervenue au cours de ce mois d'août.

Il faut aussi rappeler qu'en 2015, le groupe Rio-Tinto avait accusé BSG Ressources Ltd d'avoir conspiré avec la brésilienne VALE SA pour lui voler ses droits d'exploitation sur Simandou. Mais la plainte avait été rejetée en novembre 2015 par la justice américaine.

Pour le Guinéen lambda, peu importe qui fait quoi dans cette saga judiciaire qu'il ne comprend d'ailleurs pas. La question c'est de savoir à quand cette exploitation annoncée en fanfare en 2014? Pourtant, ce sont ces péripéties judiciaires au parfum de corruptions qui risquent de retarder davantage cette exploitation tant attendue.

Par Mamourou Sonomou (Conakry, correspondance)
Le 02/09/2017 à 08h32, mis à jour le 02/09/2017 à 11h48