Finalement, les pays qui suivent aveuglément la France dans la lutte contre le terrorisme au point de vouloir sanctionner le Mali pour avoir voulu diversifier ses relations militaires, n'en peuvent plus. Le Burkina Faso et le Niger viennent d'agiter le drapeau blanc en direction du Mali, appelant ce dernier à revenir dans la coopération militaire coordonnée à travers le G5 Sahel.
Ces deux pays, avec le Tchad notamment, avaient voulu s'aligner sur la position de la France en empêchant le Mali de prendre la présidence tournante du G5 Sahel. C'est ce qui avait conduit Bamako à mettre fin à sa participation dans la force conjointe au mois de mai dernier, après avoir protesté en vain contre cette injustice. Aucun des quatre autres membres du G5 Sahel, dont la Mauritanie, n'avaient alors montré un quelconque soutien vis-à-vis du Mali.
Aujourd'hui, ce soutien ne vient pas, mais tout porte à croire que Niamey et Ouagadougou cherchent désormas à arrondir les angles. C'est en tout cas, ce qui transparaît dans la déclaration d'Alkassoum Indattou, ministre nigérien de la Défense, qui s'exprimait après une audience accordée par le président burkinabè, le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba Sandaogo.
«Nous avons passé (...) en revue la situation sous-régionale et nous avons pensé que le Mali (...) est aujourd'hui le grand absent de la coopération dans le domaine de la défense», a-t-il confessé devant la presse. Et d'ajouter: «Il faut qu'on travaille pour que le Mali puisse revenir et assumer ses responsabilités et jouer son rôle.»
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Les circonstances de cette déclaration laissent à penser qu'il s'agit de l'avis des plus hautes autorités des deux pays que sont le Niger et le Burkina Faso. Indattou était accompagné, lors de cette audience, de son homologue burkinabè, le général Barthélemy Simporé.
Le ministre nigérien n'a néanmoins rien dit à propos de la présidence du G5 Sahel injustement refusée au Mali. Il a simplement promis de renforcer la lutte contre les terroristes pour ne leur laisser aucun centimètre de terrain au Burkina Faso ou au Niger.
Il faut néanmoins rappeler que les relations entre le Mali et le G5 Sahel se sont distendues à cause de l'arrivée dans ce pays des combattants russes du groupe Wagner. S'alignant sur la France, le président nigérien, Mohamed Bazoum, a montré une certaine animosité envers les dirigeants maliens, allant jusqu'à faire des déclarations peu amènes contre ses voisins. «Il ne faut pas permettre que des militaires prennent le pouvoir parce qu’ils ont des déboires sur le front […] ni que les colonels deviennent des ministres ou des chefs d’État», déclarait-il le 9 juillet 2021, dans une interview sur les chaînes françaises France 24 et RFI.
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Et quand Jeune Afrique l'a interrogé en octobre de la même année, il a enfoncé le clou, dans le ton du mépris: «Si ceux qui nous insultent aujourd’hui, depuis Bamako, pensent qu’ils sont sur le bon chemin, grand bien leur fasse. Je suis pour ma part convaincu que les jeunes officiers actuellement au pouvoir ont tout intérêt à organiser rapidement des élections, afin que nous puissions faire face, ensemble, aux vrais problèmes de la région. Ils ont tout intérêt à nous écouter nous, Nigériens, qui leur avons témoigné notre fraternité quand leur pays était menacé de sécession.»
Puis, pas plus tard qu'en mars dernier, Bazoum a tenu des propos dépassant la discourtoisie lorsque l'ancien Premier ministre malien Soumaïlou Boubèye Maïga est mort en prison. Disant, dans un tweet, avoir appris «avec consternation» la disparition de l'ex-chef de gouvernement, il a ajouté que «sa mort en prison rappelle celle du Président Modibo Keita (1960-1967). Je pensais que de tels assassinats relevaient d'une autre ère.»
Entre-temps, le Mali a fait des pas de géant dans sa lutte contre le terrorisme. Ses «jeunes colonels» ont renforcé l'armée en matériel de plus en plus sophistiqué, notamment dans la défense aérienne et le renseignement. Il n'est donc pas étonnant que le Niger leur fasse aujourd'hui un appel du pied. Reste à savoir si Assimi Goïta, qui a toujours été droit dans ses bottes, va accepter d'enterrer la hache de guerre avec ceux qui doivent être ses alliés et non ses ennemis.