Mali: les enjeux politiques et sécuritaires du retour du président Touré

Ibrahim Boubacar Keita, président du Mali, accueillant l'ancien président Amadou Toumani Touré de retour d'exil.

Ibrahim Boubacar Keita, président du Mali, accueillant l'ancien président Amadou Toumani Touré de retour d'exil. . DR

Le 29/12/2017 à 17h36

Amadou Toumani Touré, ancien président du Mali, est rentré à Bamako le 24 décembre dernier après un exil de près de 6 ans au Sénégal. Décryptage des enjeux politiques et sécuritaires d'un évènement peu anodin.

Le général à la retraite, Amadou Toumani Touré, ancien président du Mali, renversé par un putsch le 22 mars 2012, est rentré à Bamako le 24 décembre dernier, après un exil de près de 6 ans à Dakar, au Sénégal.

Il a été accueilli à l’aéroport international de Bamako par le Premier ministre malien et des membres du gouvernement ainsi que par plusieurs milliers de partisans, fortement mobilisés pour la circonstance.

Preuve d’une incontestable popularité, en dépit des errements sécuritaires qui ont marqué les dernières années de sa présidence, gâchées par un coup d’Etat absurde qui a précipité la déroute de l’armée malienne après l'autorisation par la junte de 9 replis «tactiques» face aux groupes terroristes.

Le décryptage de ce retour au pays comporte des enjeux politiques et sécuritaires de la plus haute importance, selon de nombreux analystes maliens et de la sous-région. En effet, l'ex-président a été acteur essentiel de l’ancrage de la démocratie au Mali et a dirigé la transition entamée à partir de mars 1991, avant de revenir au pouvoir par les urnes en 2002.

«L’exfiltration» du président par l’ambassade du Sénégal à Bamako (avec le concours supposé d’une chancellerie occidentale), avait été présentée comme «un deal» entre le capitaine putschiste Amadou Haya Sanago et le président Macky Sall, qui tenait à sauver la vie au «champion» de la démocratie, au moment où les putschistes massacraient sans pitié tous ses partisans. 

Quant au retour sur les berges du fleuve Djoliba, il est d’abord l’illustration d’un changement d’attitude du président Ibrahim Boubacar Keita, qui avait initié il y a près de 3 ans une procédure de mise en accusation de l’ancien chef d’Etat, pour «haute trahison». Une tentative de «liquidation» anéantie par les députés à travers un vote de rejet.

Aujourd’hui, le contexte malien a évolué. Le pays file tout droit vers une élection présidentielle prévue au milieu de l’année 2018. IBK est candidat à sa propre succession, en dépit d’un bilan très controversé au plan de la gouvernance économique et de la triste réalité sécuritaire du Mali, ventre mou d’un Sahel en proie à la déstabilisation par des groupuscules djihadistes.

Ainsi, le président entend tirer profit du soutien et des réseaux politiques de l’ancien chef de l’Etat pour gagner une bataille qui s’annonce très rude.

Au plan sécuritaire, le pays de Soundjata est au plus mal, avec l’expansion des activités terroristes au centre sous l’effet des coups de boutoir du mouvement d’Amadou Koufa, allié à Iyad Ag Ghaly. 

Cette tourmente sécuritaire revêt également une dimension ethnique, mettant à mal la cohabitation communautaire au niveau de cette région dont est originaire l'ancien président. 

Fortement métissé entre Sonrai et Peul, l'ancien président est aussi en mesure d’aider Ibrahim Keita à poser des actes allant dans le sens de la restauration d’une cohésion nationale en lambeaux.

Autant de raisons, entre autres, qui justifient l’évènement du 24 décembre 2017. Reste à savoir si l'homme qui a gardé le silence durant presque 6 ans aceptera de redescendre dans l'arêne politique.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 29/12/2017 à 17h36