Le colonel Goïta fait face depuis dimanche à une batterie de mesures de rétorsion de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Ces sanctions ouvrent pour le pays, en proie à une grave crise sécuritaire et politique depuis neuf ans, une nouvelle période de grande incertitude.
La Cédéao a durement sanctionné le projet des autorités maliennes de continuer à diriger le pays pendant plusieurs années et le manquement à sa promesse de tenir le 27 février des élections ramenant les civils au pouvoir.
Le colonel Goïta, arrivé à la tête du pays après un premier coup d'Etat en août 2020 et intronisé président de transition après un second putsch en mai 2021, n'a pas réagi publiquement aux décisions de la Cédéao.
L'occasion lui est donnée de le faire lors d'une réunion du conseil des ministres à 17H00 (locales et GMT) à Bamako. Il a eu lundi matin une longue séance de travail avec le Premier ministre installé par le président Goïta, Choguel Kokalla Maïga, a indiqué un responsable de la présidence sous le couvert de l'anonymat.
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Le gouvernement malien a déjà exprimé sa colère dans un communiqué lu à la télévision nationale au milieu de la nuit par le porte-parole du gouvernement en uniforme. Elle a dénoncé des sanctions «illégales et illégitimes» et a accusé la Cédéao de se laisser «instrumentaliser par des puissances extra-régionales», une référence évidente à certains partenaires au premier rang desquels la France, engagée militairement au Sahel mais avec laquelle les relations se sont sérieusement dégradées depuis 2020.
Le gouvernement malien a décidé de rappeler ses ambassadeurs dans les Etats membres de la Cédéao et de fermer les frontières avec ces pays, des mesures de réciprocité largement symboliques. Elle a annoncé pour les heures suivantes «toutes les mesures nécessaires en vue de riposter».
Les experts interrogés par l'AFP admettent n'avoir aucune idée des intentions du colonel Goïta. Ils se demandent si, après avoir soumis des propositions quasiment inacceptables pour la Cédéao comme une transition de cinq années supplémentaires sans élections, il se montrera ou non plus conciliant. Ils notent que la dureté de ton employée jusqu'alors est de mauvais augure.
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Outre la fermeture des frontières et le rappel des ambassadeurs, la Cédéao a suspendu, avec effet immédiat, toutes les transactions commerciales et financières des Etats membres avec le Mali, hors produits de grande consommation et de première nécessité.
Elle a aussi gelé les avoirs du Mali dans les banques centrales de la Cédéao et dans les banques commerciales des Etats membres. Elle a suspendu toute aide et transaction financière en faveur du Mali de la part des institutions de financement de l'organisation.
"Un club"
Les mesures ont commencé à se faire sentir. Le ministère des Transports a assuré sur les réseaux sociaux que «les vols des compagnies "non-Cédéao" continueront à desservir les aéroports du Mali». Mais Air France a annoncé dans un message ne pas pouvoir assurer la desserte de Bamako «en raison de tensions géopolitiques régionales».
L'embargo commercial pourrait mettre plus de temps à produire ses effets. De nombreuses inquiétudes se sont exprimées sur les réseaux sociaux quant aux risques d'inflation ou de pénurie et les premières rumeurs ont pris forme.
Dans un pays pauvre et enclavé, éprouvé de surcroît par les violences de toutes sortes et le Covid-19, l'embargo imposé après le premier putsch de 2020 et levé après quelques semaines avait été durement ressenti.
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Il passe pour avoir poussé les colonels à accepter de remettre les commandes à des civils élus au bout de 18 mois, engagement sur lequel ils sont maintenant revenus.
Le gouvernement lui-même a dit que les sanctions allaient affecter les populations.
Daoulata Haïdara, bamakoise, déplore le bras de fer avec la Cédéao. «Nous sommes devant des sanctions, on ne sait pas où cela pourra conduire notre pays», a-t-elle dit.
Mais les experts mettent en garde contre le danger, pour la Cédéao, de rallier derrière le gouvernement une population dans laquelle résonne le discours de souveraineté nationale.
«S'il faut que le Mali se libère, ce bras de fer est nécessaire pour la liberté du Mali», dit Daoulata Haïdara.
Pour Lassana Camara, bamakois lui aussi, «la Cédéao est aujourd'hui un club. Et ce club va à l'encontre de l'Afrique, de la population ouest-africaine».