Officiellement, la France a décidé de sanctionner les pays du Maghreb pour leur non coopération en matière de rapatriement de leurs ressortissants en situation irrégulière. L’annonce est tombée comme un couperet et a surpris par sa simultanéité et surtout son ampleur. Et pour cause, la France est de loin la première destination des ressortissants des trois pays maghrébins au niveau du continent européen et donc les trois pays figurent parmi les principaux bénéficiaires de visas octroyés par les autorités consulaires françaises.
«Après avoir tenté plusieurs approches, le dialogue, le conditionnement des aides au développement, et enfin les menaces, l’exécutif français est finalement passé aux sanctions. Une décision prise secrètement il y a tout juste un mois, à bas bruit. Le chef de l’Etat a décidé de diviser par deux le nombre de visas délivrés pour l’Algérie et le Maroc, et de 30% pour la Tunisie, en prenant 2020 comme année de référence. Car ces trois pays ne jouent pas le jeu et refusent en réalité ce qu’ils considèrent être un chantage de Paris», a souligné Europe 1.
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Et comme sanction, le président français, Emmanuel Macron, a demandé aux services consulaires du Quai d’Orsay de ne délivrer pour les 6 prochains mois que la moitié des visas octroyés durant le premier semestre de 2020.
En gros, Paris accuse les trois pays de non coopération sur le dossier sensible de rapatriement de leurs migrants en situation irrégulière. A titre d’exemple, pour le cas de l’Algérie, sur 7.731 personnes en situation irrégulière sensées être rapatriées, seulement 22 l’ont été, l’Algérie ayant refusé de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires pour exécuter une expulsion, soit un taux d’exécution de 0,2%. Pour le Maroc, sur 3.301 migrants devant quitter le territoire français, seulement 138 ont obtenu ce laissez-passer consulaire, soit un taux d’expulsion de 2,4%. Quant à la Tunisie, 131 expulsions ont été enregistrées sur un total de 3.424 obligations de quitter le territoire français.
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En clair, cette mesure se traduira par une chute drastique des visas octroyés aux ressortissants de ces trois pays sachant que les autorités françaises ont pris pour référence de base le nombre de visas délivré à chaque pays au premier semestre 2020, une période marquée par le déclenchement de la pandémie du Covid-19 et la fermeture des guichets de délivrance des visas dans ces pays durant plus d’un trimestre. A titre de rappel, pour toute l’année 2020, la France a délivré 98.628 visas aux Marocains, 73.276 aux Algériens et 49.458 aux Tunisiens. Ainsi, l’Algérie, qui a bénéficié de 63.000 visas durant les 6 premiers mois de 2020, devrait bénéficier au maximum de seulement 31.500 visas durant les 6 prochains mois, selon les données consultées par Europe 1.
En clair, les visas seront octroyés aux Maghrébins au compte goutte durant les 6 prochains mois. De toutes les manières, le nombre de visas octroyés aux ressortissants des trois pays était déjà négligeable à cause des restrictions au voyage. Ainsi, entre janvier et juillet 2021, 8.726 visas ont été accordés aux Algériens, 18.579 aux Marocains et 9.140 aux Tunisiens. Ces niveaux très bas s’expliquant essentiellement par les restrictions au voyage entre la France et les pays maghrébins à cause de la pandémie du Covid-19 et du fait que Paris a classé les trois pays maghrébins sur sa liste rouge pour les voyages.
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Seulement, les autorités françaises n’ont pas donné de détails sur le mode de délivrance des visas durant la période de 6 mois annoncée. En effet, cette période coïncidant avec la rentrée universitaire, est-ce que les étudiants seront concernés? Quelles sont les catégories de voyageurs qui seront privilégiées (malades, cadres, touristes...)?
Rappelons que cette décision de Paris entre dans le cadre des mesures prises par l’Union européenne en 2018 avec la mise en place «des conditions plus strictes pour le traitement des visas lorsqu’un pays partenaire ne coopère pas suffisamment aux fins de la réadmission des migrants en situation irrégulière, y compris des voyageurs qui sont entrés légalement sur le territoire ayant obtenu un visa, mais qui ont dépassé la durée de validité de celui-ci».
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Seulement, en mars 2021, la Commission européenne avait établi une liste de 13 pays, dont 11 africains, menacés de restrictions de visas Schengen pour manquement de coopération lorsqu’il s’agit de réadmettre leurs citoyens. Il s’agit du Sénégal, de la Somalie, de la Libye, du Mali, de la Gambie, du Cameroun, de la République du Congo, de l’Egypte, de l’Erythrée, de l’Ethiopie et de la Guinée-Bissau. Autrement dit, aucun pays maghrébin ne figurait sur la liste de la Commission européenne.
En clair, si l'argument avancée par les autorités française contient une part de vérité, le timing choisi par le président français suscite des questions. Elle intervient dans un contexte particulier en France marqué par l’approche des élections présidentielles prévues en avril 2022.
Et face à l’extrême droite sensée challenger le président Macron lors de cette élection, le thème de la migration est au cœur de la campagne lancée avant l’heure et risque de fortement peser dans la balance. D'où les surenchères entre les principaux protagonistes de cette présidentielle.
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Ainsi, le président français, accusé de laxisme sur ce dossier sur lequel se focalise la pré-campagne présidentielle, essaie de couper l’herbe sous le pied de ses opposants, principalement ceux de l’extrême droite, qui ont fait de la migration leur fonds de commerce avec certains succès sur le terrain. Ainsi, en souhaitant ne pas trop abandonner de points face à celle-ci, le président Macron tente de "corriger" son bilan migratoire en décidant de prendre cette décision radicale à l’encontre des ressortissants des trois pays maghrébins.
Pour le moment, le Maroc a réagi par le biais de son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, soulignant que la décision française est «injustifiée», expliquant que «le Maroc a toujours géré la question migratoire et le flux des personnes, avec une logique de responsabilité et d’équilibre entre la facilitation des déplacements des personnes (…) et la lutte contre la migration clandestine».
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Le chef de la diplomatie marocaine ajoute que «la décision (de la France) est souveraine. Le Maroc va l’étudier, mais les raisons qui la justifient nécessitent de la précision, un dialogue, car elles ne reflètent pas la réalité».
Bourita a tenu à corriger les chiffres en soulignant que le Maroc a déjà livré plus de 400 laissez-passer pour le rapatriement de ses ressortissants en situation irrégulière. Il a également attribué à un "problème franco-français" la difficulté du rapatriement des ressortissants marocains, regrettant que la France ne leur impose pas de test PCR avant d'embarquer pour le Maroc, alors que celui-ci est obligatoire pour pénétrer sur le territoire marocain, à cause de la pandémie du Covid-19.