Importantes pénuries de personnel de la santé en Afrique, un mal incurable?

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Le 08/07/2022 à 12h04, mis à jour le 08/07/2022 à 12h20

Les systèmes de santé en Afrique sont confrontés à une importante pénurie de personnel, ce qui compromet la fourniture et l’accès aux services, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Comment inverser la situation?

Dans une récente étude intitulée «Le statut du personnel de santé dans la Région africaine de l’OMS: conclusions d’une étude transversale», l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte sur l’importante pénurie de travailleurs de la santé à laquelle l’Afrique fait face. Prenant en compte 47 pays du continent, l’étude fait état d’un ratio combiné de «1,55 professionnel de la santé (médecins, infirmiers et sages-femmes) pour 1000 personnes». Un nombre en dessous du seuil de densité nécessaire pour parvenir à la couverture sanitaire universelle, lequel est de «4,45 professionnels de la santé pour 1000 personnes».

Sur les 47 pays étudiés, seuls quatre ont un ratio supérieur à cette moyenne, selon l’OMS: Maurice, la Namibie, l’Afrique du Sud et les Seychelles. Ce dernier pays affiche le ratio le plus élevé du continent, à 9,15 professionnels de la santé pour 1.000 personnes, contre 0,25 pour 1.000 au Niger (le plus bas de la Région africaine de l’OMS).

L’étude nous apprend également qu’en 2018, les 47 pays étudiés comptaient globalement «3,6 millions de professionnels de la santé», dont 37% d’infirmiers et de sages-femmes, 9% de médecins, 10% de personnel de laboratoires, 14% d’agents de santé communautaires, 14% de travailleurs issus d’autres groupes de personnel de santé, et 12% de salariés de soutien ou administratifs.

Plusieurs facteurs expliquent la pénurie de professionnels de la santé en Afrique. Ce sont: «des capacités de formation insuffisantes, une croissance démographique rapide, la migration internationale, une faible gouvernance du personnel de santé, des changements de carrière, ainsi que des difficultés à retenir les travailleurs de la santé», estime l’étude. Plus alarmant, celle-ci estime que notre continent aura un manque de «6,1 millions de professionnels de la santé d’ici à 2030».

Un grand retard à combler

Evidemment, les conséquences sont désastreuses. «Sans un personnel adéquat et bien formé, répondre aux défis tels que la mortalité maternelle et infantile, les maladies infectieuses et les maladies non transmissibles, mais aussi la fourniture de services de santé essentiels comme la vaccination, reste une bataille difficile», déplore la directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, Matshidiso Moeti, citée dans l’étude.

L’Afrique reste par ailleurs loin derrière les autres régions du monde. D’après un rapport sur les ressources humaines dans le secteur de la santé présenté par le directeur général de l’OMS à l’Assemblée mondiale de la santé 2022, la Région africaine de l’organisation comptait «environ 300.000 médecins et 1,2 million d’infirmières» en 2020, contre «3,4 millions de médecins et 7,4 millions d’infirmières» pour la Région européenne, ainsi que «4,1 millions de médecins et 7,6 millions d’infirmières» pour la Région du Pacifique occidental (qui inclut l’Australie, la Chine, le Japon et la Malaisie).

La situation est alarmante et des solutions s’imposent. Pour l’OMS, les pays africains doivent «augmenter considérablement les investissements dans le renforcement du personnel de santé afin de répondre à leurs besoins actuels et futurs». L’agence onusienne insiste également sur la nécessité de «mesures fortes» à même de «stimuler la formation et le recrutement de travailleurs de la santé, de même que pour améliorer leur déploiement et les maintenir à leur poste».

Un exemple à suivre

Certains pays n’ont pas attendu la mise en garde de l’OMS pour se rendre compte de l’urgence et s’atteler à résoudre le casse-tête de la pénurie de personnel sanitaire. C’est, par exemple, le cas du Maroc, qui affiche actuellement un ratio de «17 professionnels de la santé pour 10.000 habitants», selon le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui. En deçà de la norme préconisée par l’OMS.

Dans une récente interview, le ministre a annoncé quelques mesures phares dans ce sens. Il s’agit notamment de la réduction de la durée du cursus universitaire en médecine générale de 7 à 6 années. Cette mesure, qui entrera en vigueur dès septembre 2022, concerne également la pharmacie et la médecine dentaire. «L'Allemagne est à 6 ans. Idem pour l’Italie. L’Irlande est à 5 ans, le Canada et les Etats-Unis ont choisi 4 ans. Est-ce qu’on se soigne moins bien dans ces pays? La réponse est non», a-t-il poursuivi.

De son côté, le ministre marocain de la Santé, Khalid Aït Taleb, a révélé, dans une interview à Le360, le lancement d’un programme visant la formation de 5.000 médecins par an d'ici 2030, répartis entre les établissements universitaires publics et privés. Ce projet ambitieux, qui devait faire l’objet de la signature d’une convention le 5 juillet 2022, vient s’ajouter à un autre relatif à la construction d’un CHU dans chacune des douze régions du Royaume.

Les autres pays du continent également en retard devraient s’inspirer du Royaume. Et avec la coopération Sud-Sud, qui est actuellement au plus fort, ce défi est hautement réalisable. Et cela ne sera qu’à l’avantage de notre continent.

Par Mohamed Koné
Le 08/07/2022 à 12h04, mis à jour le 08/07/2022 à 12h20