CEDEAO: quelles sont les chances du Maroc pour intégrer l'organisation ouest-africaine?

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Le 28/03/2017 à 14h08, mis à jour le 28/03/2017 à 16h11

Les quatre premières économies que sont le Nigéria, le Ghana, la Côte d'Ivoire et le Sénégal auxquelles s'ajoutent le Burkina, la Gambie et la Guinée peuvent être favorables à l'accueil du Maroc dans la CEDEAO. En revanche, deux pays pourraient être contre et six autres indécis. Décryptage.

Cela fait un peu plus d'un mois que le Maroc a officiellement demandé à intégrer la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en tant que membre à part entière. Plus de trente jours durant, cette demande d'adhésion a été la principale question qui revient régulièrement au devant de l'actualité et qui est posée de diverses manières aux analystes de tous bords, aux diplomates et, bien sûr, aux chefs d'Etat de l'organisation régionale. Quand il y a une quinzaine de jours, le360 Afrique a tendu son micro au président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, sa réponse a été on ne peut plus claire. Il appartient aux chefs d'Etat de la CEDEAO de décider. Ils le feront dans le cadre d'une session extraordinaire de l'organe suprême de l'institution régionale, à savoir la Conférence des chefs d'Etat.

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Kaboré n'a pas voulu donner sa propre position sur le sujet, pas plus que celle de ses 14 autres homologues de la CEDEAO. Il applique là la fameuse sagesse africaine : "On ne peut pas connaître son rêve et connaître celui de son voisin".

Donc finalement la question des chances du Maroc d'intégrer la CEDEAO revient à ce que sera la décision des chefs d'Etat, qui dépend à la fois de ce que prévoient les textes de l'institution et des positions politiques. A l'évidence, ce n'est pas tant l'aspect purement juridique qui est important que le volet diplomatique.

Possibilité d'ouverture vers le Nord

Au niveau des textes, il est bon de rappeler qu'en son article 3, le texte fondateur de la CEDEAO, signé le 28 mai 1975 par les seize chefs d'Etat (la Mauritanie faisait partie des pays fondateurs, avant de se retirer) précise que : "la Communauté vise à promouvoir la coopération et l'intégration dans la perspective d'une Union économique de l'Afrique de l'Ouest". C'est ce qui fait dire à certains que cette organisation est limitée exclusivement aux pays se trouvant géographiquement en Afrique de l'Ouest.

Evidemment, il ne s'agit que d'une interprétation, puisque nulle part il n'est dit que l’organisation exclut d'accueillir d'autres membres. Dans le passé, plus précisément en fin 2011, le Tchad voisin du Nigeria, a déjà eu à formuler la demande pour rejoindre la CEDEAO. Mais, ne voulant pas faire concurrence à la CEMAC dont le pays d'Idriss Déby Itno est membre, la demande n'avait pas eu de suite favorable. Mais toujours est-il que si la Conférence des chefs d'Etat a accepté de se pencher sur la demande du Tchad, rien ne s'oppose donc à ce qu'elle le fasse pour celle du Maroc.

Deux tiers des chefs d'Etat, soit 10 sur 15 pays

Toujours selon les textes de la CEDEAO, notamment l'article 7 de l'acte fondateur, "les décisions de la Conférence sont prises, selon les matières, à l'unanimité, par consensus, à la majorité des deux tiers des États membres". Sauf qu'en ce qui concerne l'acceptation d'un nouveau membre, étant donné que les textes fondateurs sont muets sur la question, il faut s'en tenir au bon sens.

Comme rien n'est dit sur l'intégration d'un nouveau membre, il faut donc les deux tiers des membres, sauf si la conférence des chefs d'Etat en décide autrement. Finalement, il faut se demander si les deux tiers des pays membres, soit dix pays, sont prêts à aller dans le sens de l'acceptation de la demande d'adhésion du Maroc. La question peut être posée autrement : cinq pays de la CEDEAO peuvent-ils s'y opposer ? Politiquement, le royaume chérifien compte beaucoup d'amis en Afrique de l'Ouest. Et même en diplomatie, les intérêts valent souvent plus que les simples amitiés.

Il est clair que le choix du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, du Nigeria, de la Guinée Conakry, du Burkina Faso et de la Gambie est pratiquement connu et demeure favorable au Maroc. 

En revanche, le Mali qui ne parvient plus à assurer sa souveraineté sur son territoire est plutôt sous influence algérienne. Ses intérêts sont donc aujourd'hui de trouver des alliés pour l'aider à avoir un Nord-Mali moins instable. Le Mali ne peut malheureusement pas se passer de son voisin du nord qui semble le mener à la petite baguette.

A part le Mali, le doute est permis concernant le Niger pour deux raisons. Comme pour le Mali, l'Algérie considère ce pays comme "sa profondeur naturelle". Ce qui est clair c'est qu'en coulisses, Alger agit pour faire échec à cette candidature marocaine et qu'elle compte sur le Niger également.

Les 6 indécis sur qui la décision pourrait peser

Mais la CEDEAO, ce sont également six autres pays comme le Bénin, le Togo, la Guinée Bissau, le Cap-Vert, le Liberia et la Sierra Leone qui peuvent avoir des considérations protectionnistes pour se montrer réticents.

C'est dire que pour l'heure et à la lumière de cette analyse, les pays potentiellement favorables à l'entrée du Maroc au sein de l'une des organisations régionales les plus intégrées sont nettement plus nombreux. Entre les sept qui semblent favorables au développement des relations avec le Maroc et les deux qui peuvent être sous influence algérienne, il y a donc les six autres à convaincre.

Si le Maroc intègre la CEDEAO, ce sera une énorme victoire diplomatique, en plus d'être une aubaine pour les deux parties comme l'a affirmé tantôt Birima Mangara, le ministre sénégalais du Budget. En effet, c'est le meilleur moyen de renforcer la CEDEAO qui, du coup, deviendra la quinzième plus importante économie de la planète.

De toute manière, depuis juin 2015, les pays de l'Union africaine sont en train de négocier la mise en place d'une zone de libre-échange dont l'objectif initial était de la mettre en place dès 2017. Aujourd'hui, il se trouve qu'il y a plusieurs zones déjà fonctionnelles sur le continent. Il s'agit notamment du Marché commun de l'Afrique centrale et de l'Est (Comesa) qui regroupe une vingtaine de membres. La Tunisie vient tout juste de l'intégrer.

Il y a également la Communauté d'Afrique de l'Est (CAE) et la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) auxquelles s'ajoutent celle d'Afrique centrale (CEMAC). Toutes ces communautés sont intégrées à des degrés divers et l'objectif est justement de les réunir au sein du marché commun panafricain de libre-échange. L'Union du Maghreb Arabe qui doit en être l'ultime composante est malheureusement une organisation qui a déçu, alors que le Maroc et la Tunisie en sont les deux seuls membres dont l'économie est fondée sur l'ouverture. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 28/03/2017 à 14h08, mis à jour le 28/03/2017 à 16h11