Union Africaine-ZLECA: des impacts positifs sur les échanges intra-africains, mais…

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Le 24/03/2018 à 10h06, mis à jour le 24/03/2018 à 10h09

44 pays africains ont signé à Kigali l’accord de création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). Celle-ci aura des impacts positifs sur les échanges intra-africains et contribuera à la transformation structurelle du continent, une fois certains préalables dépassés.

C’est un pas de géant dans l’intégration économique africaine que viennent de poser les pays africains réunis le 21 mars courant dans la capitale rwandaise, Kigali. Après plus de 2 ans de négociations, 44 chefs d’Etat, de gouvernement et des représentants des Etats ont apposé leur signature sur l’acte constitutif de la plus vaste zone de libre-échange du monde, en nombre de membres.

Tous les poids lourds du continent, hormis le Nigeria, ont signé le traité créant la ZLECA. En tout, cette zone devrait concerner 1,2 milliard de consommateurs pour un PIB estimé à 2.500 milliards de dollars, soit l’équivalent de celui de la France, 6e puissance économique mondiale.

Selon le président nigérien, Mahamadou Issoufou, qui a coordonné le projet depuis 2016, il s’agit d’«un accord par lequel nos Etats ont décidé de mettre fin à leur balkanisation et de créer un marché unifié allant d’Alger au Cap, de Praia à Djibouti».

La ZLECA, l’un des projets phares de l’Agenda 2063, va contribuer au renforcement de l’intégration économique du continent. Elle est censée accroître sensiblement le commerce du continent.

Forte hausse du commerce intra-africain en perspective

Ainsi, selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), la création de cette zone de libre-échange, avec à la clé la suppression des tarifs douaniers, va engendrer une hausse exceptionnelle du commerce intra-africain de 52%, contre à peine 16% actuellement, alors qu’il est de 51% en Asie et même 70% au niveau européen.

De même si les pays africains arrivaient à réduire considérablement, en plus des barrières douanières, celles non tarifaires, le commerce intra-africain pourrait même doubler. Ainsi, si des pertes en termes de recettes tarifaires, estimées à 4 milliards de dollars seront enregistrées au niveau du continent, les retombées positives de la ZLECA devraient être jusqu’à 4 fois supérieurs grâce à la baisse des prix des biens de consommation.

Par ailleurs, en contribuant au développement des échanges au niveau du continent, la ZLECA va renforcer la croissance à long terme, accroître les investissements étrangers, contribuer au développement industriel du continent avec un impact positif sur le bien-être des populations et accélérera la transformation économique de l’Afrique. Pour toutes ces raisons, la ZLECA est une étape importante vers la réalisation de l’intégration africaine.

Productivité et diversification

Ainsi, un tel projet d’intégration à l’échelle du continent est susceptible d’encourager la diversification économique vers d’autres secteurs que les matières premières, libérer la productivité des entreprises grâce aux économies d’échelle plus importantes, contribuer à l’intensification de la concurrence, et, enfin, faciliter la mise en place des services, règlementation et autres facilitations à même d’améliorer la compétitivité des entreprises africaines dans les chaînes de valeurs mondiales et régionales.

Toutefois, pour que le continent africain puisse bénéficier des retombées positives de la ZLECA, il faudra au préalable que les pays du continent puissent dépasser certains obstacles qui entravent actuellement tous les regroupements régionaux africains (CEDEAO, SADC, CEMAC, etc.). Au moins quatre leviers bloquent les échanges au niveau de ces regroupements, malgré la proclamation du libre-échange: les obstacles non tarifaires, la lourdeur des formalités douanières, la complexité des règles d’origine et les pratiques anticoncurrentielles des acteurs.

Contraintes à lever

D’abord, il faudra que cette zone de libre-échange soit rapidement mise en œuvre. Ainsi, après la signature, l’accord devrait entrer en vigueur dans un délai de 180 jours (6 mois), donc à fin septembre prochain. D’ici là, il faudra au moins que 22 pays signataires ratifient l’accord via leur parlement.

Il faut également mettre en place des politiques commerciales à même de contribuer au renforcement des échanges commerciaux au niveau du continent. Les problèmes liés aux règles d'origine peuvent constituer des obstacles au développement des échanges au niveau du continent.

En outre, afin que cet espace de libre échange puisse booster le développement du continent, il faut aussi que les Etats accompagnent la ZLECA par des politiques de transformation industrielle et d’augmentation des capacités de production.

Enfin, cette zone de libre-échange ne peut réellement insuffler une nouvelle dynamique des échanges au niveau du continent que si les pays arrivent à mettre en place des infrastructures régionales (routes, ports, chemins de fer, etc.) et la logistique nécessaire afin de fluidifier les échanges entre les pays du continent.

Par Moussa Diop
Le 24/03/2018 à 10h06, mis à jour le 24/03/2018 à 10h09