Union africaine: que faut-il retenir comme bilan du sommet de Nouakchott?

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Le 03/07/2018 à 18h16, mis à jour le 03/07/2018 à 20h13

Nouakchott a accueilli, les 1er et 2 juillet 2018, le 31e sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine. Sahara, ZLECA, réformes de l’Union africaine, sécurité, migration… ont été débattus. Quelques rares avancées ont été enregistrées dans certains dossiers.

Mohamed ould Abdel Aziz peut se targuer d’avoir réussi à organiser en l’espace de 3 ans deux sommets importants: celui la Ligue arabe (2016) et celui de l’Union africaine. Le second avec davantage de succès. En termes de fréquentation, du moins. 

Au total, 24 présidents africains ont fait le déplacement pour participer à ce 31e sommet ordinaire de l’Union africaine. Parmi eux: Muhammadu Buhari du Nigeria (en charge du dossier Corruption), Paul Kagame du Rwanda (et président de l’Union africaine), Mahammadou Issouffou du Niger (en charge du dossier Intégration), Denis Sassou Nguesso du Congo (qui gère le dossier Libye), le président sud-africain Cyril Ramaphosa, les présidents des pays du G5 Sahel, du Sénégal, de Guinée, du Gabon, d'Eswatini (ex-Swaziland), de Madagascar, du Zimbabwe, du Ghana, de Djibouti, des Comores, de Gambie, du Soudan, de Guinée équatoriale.

On a néanmoins noté des absents de taille: le roi Mohammed VI du Maroc, Abdel Fattah al-Sissi d’Egypte, Paul Biya du Cameroun, Joäo Lourençoe de l’Angola et Alassane Dramane Ouattara de la Côte d’Ivoire.

Au niveau des dossiers traités, il y a eu plus de débats que de décisions concrètes, même si des avancées ont été enregistrées au niveau de certains dossiers.

Corruption: bilan mitigé et lutte déclenchée au sein même de l’institution

Le thème principal de cette rencontre tournait autour de la lutte contre la corruption. Le fléau coûte 50 milliards de dollars par an au continent et freine le développement. A ce niveau, le bilan du sommet est plutôt mitigé. Aucun engagement ferme de la part des chefs d’Etat. La réunion s'est soldée par de simples déclarations politiques.

Seul point positif, l’organisation, minée elle aussi par la corruption, a donné l’exemple avec la décision de suspendre le budget du Parlement panafricain pour cause de mauvaise gouvernance. A ce titre, des enquêtes seront menées sur le fonctionnement de l'institution, de l'Agence de développement de l'Union africaine (ex-NEPAD) et du Conseil consultatif de lutte contre la corruption.

Concernant le Sahara: un quartet en lien avec l’ONU

Sur le dossier du Sahara, sujet à propos duquel on attendait le rapport du président de la Commission africaine, le retour du Maroc au sein de l’Union africaine a sans surprise beaucoup influencé les débats. 

Lors de ce sommet, les dirigeants de l’Union africaine ont affiché leur soutien clair à l’exclusivité accordée à l’ONU pour le règlement de ce dossier tout en demandant à l’institution panafricaine de soutenir l’ONU et son envoyé spécial pour le Sahara, Horst Köhler, pour trouver une solution à ce problème.

En effet, pour soutenir ce processus onusien, l’Union africaine a mis en place un quartet composé des présidents Paul Kagame (Rwanda), président de l’Union africaine, Alpha Condé (Guinée), président de l’UA, Abdel Fattah al-Sissi (Egypte), qui prendra la présidence de l’Union africaine en janvier 2019, et Moussa Mahamat Faki, président de la Commission de l’Union africaine.

Ce quartet sera l’interlocuteur des Nations unies sur le dossier du Sahara. Toutefois, toutes les décisions concernant la gestion de ce dossier se feront depuis New York et non à Addis-Abeba. Cette décision acte «la nécessité pour l’Union africaine d’inscrire sa démarche dans le cadre d’un appui renforcé aux efforts des Nations unies», comme il est souligné dans le rapport. Une décision qui conforte la position du Maroc qui souhaite que ce différend soit traité exclusivement au niveau de l'ONU. 

G5 Sahel: pas de décision malgré les menaces des djihadistes

La lutte contre l’insécurité a également été débattue par les dirigeants africains rejoints par le président français dont le pays est parrain de la Force G5 Sahel. Cette dernière, forte de 5.000 hommes, a pourtant du mal à devenir opérationnelle. Et les dernières attaques de djihadistes à la veille de la réunion de l'UA attestent de la gravité de l’insécurité au niveau de la région sahélienne.

Aucune décision notable n'a été prise, toutefois, à l'issue de la réunion entre Emmanuel Macron et les 5 chefs d’Etat du G5 Sahel. Le problème du financement de cette force reste le principal obstacle au déploiement de cette force régionale. En attendant, les groupes djihadistes sévissent, n'hésitant pas à montrer leurs capacités de nuisance en s’attaquant au siège de la Force G5 Sahel et à la force française Barkhane. Au final, beaucoup de tapage autour du dossier G5 Sahel, mais pas d'avancée concrète.

Zleca: le libre-échange des avancées notées à Nouakchott

Concernant la création d'une zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), en revanche, des avancées ont été enregistrées. En effet, 5 nouveaux pays ont signé l’accord de création de la ZLECA à Nouakchott. Il s’agit de l’Afrique du Sud, la Sierra Leone, la Namibie, le Lesotho et le Burundi. Ce qui porte désormais à 49 le nombre de pays signataires de l’accord. Toutefois, des retards sont constatés au niveau des ratifications. En tout, 4 pays seulement -Ghana, Kenya, Rwanda et Niger- ont ratifié l’accord.

Par ailleurs, en marge du 31e sommet de l’Union africaine, on a appris également que 2 autres pays avaient déposé leurs instruments de ratification: Eswatini (ex-Swaziland) et le Tchad. Toutefois, il faut souligner que 22 ratifications sont nécessaires pour que cet accord puisse entrer en vigueur.

Néanmoins, «c’est un grand pas pour l’Afrique, vers l’intégration du continent, le développement économique et social. La ZLECA va unifier le marché africain qui est actuellement un marché fragmenté», a souligné le président nigérien Mahamadou Issoufou, en charge du dossier Intégration au sein de l’Union africaine. La ZLECA pourrait représenter un marché de plus de 1,2 milliard de personnes.

Réformes: autonomie de l’Union africaine

La réforme institutionnelle de l'UA, notamment celle qui vise à garantir son autonomie financière, était également au menu de la réunion des chefs d'Etat. Ce dossier a été marqué par l’empreinte du pragmatisme de Paul Kagame.

L’accent a été mis sur la «Taxe Kaberuka» ou «Taxe Kagame» qui prévoit un prélèvement de 0,2% sur les importations éligibles de chaque pays.

Toutefois, certains pays n’ont pas encore adhéré à cette décision. A noter que 23 Etats africains ont commencé à appliquer la taxe de 0,2% des importations pour le financement de l’Union africaine et 13 pays ont déjà commencé à collecter des fonds au profit de l’institution panafricaine. Un compte Union africaine est ouvert au niveau de la Banque centrale de chaque membre pour collecter cette taxe. Actuellement, on évalue à environ 50 millions de dollars les contributions déjà collectées au titre de l’année en cours.

Par ailleurs, le rapport de l’Union africaine préconise désormais des sanctions pour «tout retard de paiement depuis plus d’un an». Les pays concernés ne pourront plus participer aux sommets et au bureau de tout organe de l’Union africaine. En plus, les pays concernés ne bénéficieront plus du soutien de l’Union africaine en vue de l’obtention de postes internationaux et ne pourront plus accueillir des organes, institution ou bureau de l’organisation panafricaine.

Migration: un Observatoire africain de la migration

C’est l’un des dossiers brûlants du moment. D’ailleurs, le président français, présent lors de ce sommet, a expliqué aux dirigeants africains les décisions prises par l’Union européenne en matière de migration.

Enfin, les dirigeants africains ont décidé d’adopter une proposition du roi Mohammed VI du Maroc visant la création d’un Observatoire africain de la migration. Il présentera des rapports sur la migration et proposera des solutions au niveau du continent africain.

Par Moussa Diop
Le 03/07/2018 à 18h16, mis à jour le 03/07/2018 à 20h13