Vaccin anti-Covid-19: voici pourquoi l'Afrique devrait attendre le second trimestre 2021

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Le 18/12/2020 à 14h29, mis à jour le 18/12/2020 à 14h32

La seconde vague du Cocid-19 touche de plein fouet le continent africain à l’heure où les campagnes de vaccination démarrent dans de nombreux pays développés et nantis. En Afrique, à l’exception de deux pays, les premiers vaccins sont attendus au début du second trimestre. Voici pourquoi.

La seconde vague de contagion au coronavirus a finalement touché le continent africain. Au moment où les pays d’Afrique de Nord, à l’instar des pays européens, connaissent globalement une décrue des contaminations, la recrudescence des cas de Covid-19 est manifeste dans presque tous les pays d’Afrique subsaharienne, comme le montre clairement la courbe de contagion de CDC Africa (agence de l’Union africaine pour le contrôle et la prévention des maladies). Pis, certains pays sont plus touchés que lors de la première vague avec des cas de contaminations et des décès plus élevés que lors de la première vague du Covid-19.

Seulement, au moment où en Asie, Amérique et Europe l’espoir repose sur les campagnes de vaccination qui ont été entamées et qui pourraient ralentir les contagions au Covid-19, l’Afrique reste à la traine. Seuls deux pays du continent devraient figurer parmi les premiers bénéficiaires des lots de vaccins avant fin 2020. Il s’agit de l’Egypte et du Maroc. L’Egypte a d’ailleurs reçu un premier lot de 50.000 doses de vaccins du chinois Sinafarm offert par les Emirats Arabes-Unis, un des premiers pays de la planète à avoir lancé des campagnes de vaccination de sa population. Le Maroc devrait, de son côté, incessamment recevoir ses premiers lots de vaccins directement de la Chine.

Hormis ces deux pays, les autres devraient attendre. Et l’attente risque d’être longue, surtout si la seconde vague devenait plus contagieuse et meurtrière dans une grande partie du continent. Ce qui heureusement n’est pas encore le cas. En effet, les laboratoires producteurs de vaccins vont en priorité approvisionner leurs Etats et ensuite les pays solvables qui se sont positionnés depuis longtemps et qui payeront les vaccins à leur prix coutant.

En Afrique, on attendra bien évidement que la première vague de vaccination passe. Pas seulement pour être sûr de ses effets, mais aussi parce que les pays ne se sont pas positionnés pour acheter les vaccins. Ainsi, selon le CDC Africa, agence de l’Union africaine pour le contrôle et la prévention des maladies, les vaccinations contre le Covid-19 ne devraient commencer en Afrique qu’au second trimestre 2021, plus précisément entre avril et juin de l’année prochaine.

Pire encore, selon l’institution panafricaine, il faudra entre 2 et 3 ans pour vacciner au moins 60% de la population africaine. L’atteinte de ce taux est nécessaire pour atteindre l’immunité collective dans un pays.

Cette situation s’explique essentiellement par le fait qu’hormis le Maroc et l’Egypte, les pays africains n’ont pas passé des commandes, sinon tardivement, auprès de la douzaine de laboratoires ayant développé des vaccins et dont certains ont été homologués. Il faut dire aussi que seulement quatre pays africains ont participé aux tests de vaccins anti-Covid-19 développés par des laboratoires: Afrique du Sud, Egypte, Kenya et Maroc.

Le retard annoncé des vaccinations contre le Covid-19 en Afrique s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, le Covid-19 n’a jusqu’à présent que faiblement touché le continent. Ainsi, pris globalement, le l'Afrique a enregistré 2,5 millions de personnes officiellement infectées dont 2,07 millions de cas guéris et 58.000 décès. L’Afrique du Sud, le Maroc, l’Egypte, l’Ethiopie et la Tunisie sont les pays les plus touchés par la pandémie avec respectivement 892.813 cas, 409.746 cas, 123.701 cas, 118.481 cas et 115.966 cas. Le Covid-19 a fait 58.000 décès enregistrés principalement en Afrique du Sud (24.011 décès), l’Egypte (7.015 décès), le Maroc (6.804 décès), la Tunisie (4.032 décès) et l’Algérie (2.640 décès).

Ainsi, toute l’Afrique réunie avec son 1,3 milliard d’habitants, soit 17% de la population mondiale, compte officiellement presque le même nombre de personnes contaminées au Covid-19 que la France qui a enregistré 2,43 millions de cas de contaminations au Covid-19 pour une population de 68 millions d’habitants. Mieux encore, à elle seule, la France compte 59.619 décès liés au Covid-19 contre 58.000 décès pour toute l’Afrique depuis l’apparition de la pandémie. Du coup, la pandémie n’est pas vraiment une urgence sanitaire pour les pays d’Afrique subsaharienne, hormis l’Afrique du Sud. Idem pour le Royaume-Uni qui compte 1,95 million de personnes infectées au Covid-19 pour 33.052 décès.

Il est vrai que les statistiques françaises et britanniques son plus fiables que celles fournies par les pays africains, mais il n’en demeure pas moins que l’Afrique a affiché une résilience exceptionnelle face au Covid-19, comparativement à l’Europe, aux Etats-Unis, par exemple, grâce à plusieurs facteurs: jeunesse de sa population, une certaine immunité offerte aux populations par certaines pandémies fréquentes, facteurs génétiques, le climat non favorable à la propension du coronavirus, etc.

Ensuite, il y a bien évidemment le coût d’achat des vaccins et la logistique nécessaire qui découragent certains pays africains qui préfèrent mettre l’accent sur d’autres pandémies plus meurtrières comme le paludisme qui tue chaque année autour de 400.000 personnes en Afrique subsaharienne.

En outre, ne pouvant pas ou ne voulant pas se positionner pour des vaccins en cours d’élaboration, presque la quasi totalité des pays africains se sont reposés sur le programme Covax, co-dirigé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et Gavi (Alliance du vacin) avec le soutien d’autres organismes et visant un accès généralisé au vaccin. Actuellement, 184 pays participent à ce mécanisme. 

Ainsi, tous les pays africains ont adhéré à ce programme qui devrait assurer à chaque pays inscrit un accès au vaccin pouvant couvrir la vaccination à hauteur de 20% de sa population. C'est pourquoi depuis quelques jours les ministres de la Santé et autres responsables de plusieurs pays africains promettent à leurs ressotissants des vaccins à la fin du premier trimestre 2021, espérant obtenir leur part de vaccins du programme Covax. Seulement, sahant qu'il faut vacciner 60% de la population pour atteindre l'immunité, le compte est loin d'être bon pour nombre de pays africains. La Chine et certains pays développés combleront certainement une partie de ce déficit, selon les pays. 

Au total, ce programme devrait offrir au moins 220 millions de doses de vaccin à l’Afrique. Le programme Covax ambitionne d’acquérir jusqu’à 2 milliards de doses des futurs vaccins anti-Covid-19.

Enfin, certains pays, habitués aux aides, se sont contentés de la promesse de la Chine qui avait annoncé lors du dernier sommet Chine-Afrique que ses vaccins iraient prioritairement au continent africain. Du coup, à l’instar des dons de masques, kits de tests et autres produits utilisés dans la lutte contre le Covid-19 octroyés par la Chine et ses firmes présentes en Afrique, de nombreux pays du continent attendent les premières livraisons de vaccins de la Chine, à titre gratuit.

Ainsi, les autorités kenyanes qui font face à une seconde vague plus importante et plus meurtrière que la première ont clairement annoncé qu’ils se tourneraient vers la Chine. Or, Celle-ci doit d’abord vacciner sa population et ensuite faire face aux commandes faites par certains pays auprès de ses laboratoires.

Enfin, il reste le problème du scepticisme des Africains à l’égard des vaccins. Beaucoup d’Africains, à cause en partie de la désinformation, s’inquiètent de l’innocuité du vaccin conte le Covid-19.

Par Moussa Diop
Le 18/12/2020 à 14h29, mis à jour le 18/12/2020 à 14h32