La pandémie de Covid-19 a montré les failles du système sanitaire africain. Outre les absences d’infrastructures sanitaires adéquates à même de faire face aux pandémies dans presque tous les pays du continent, même dans les pays qu’on croyait très en avance en matière de santé, comme la Tunisie qui est une destination du tourisme de santé par excellence pour de nombreux Africains, la pandémie du Covid-19 a surtout montré les failles de l’Afrique en matière de production de vaccins en général, et de vaccins anti-Covid-19 en particulier.
Et au-delà, cette crise a été révélatrice de la dangerosité de la dépendance du continent africain vis-à-vis des pays développés et des pays émergents en ce qui concerne l’approvisionnement en vaccins. En effet, l’Afrique ne produit que 1% des vaccins dont elle a besoin et en importe donc 99%. Même les vaccins pour lesquels les brevets sont tombés dans le domaine public ne sont pas fabriqués sur le continent, mais importés, souvent d’Inde, devenue au cours de ces dernières années un des plus grands producteurs au monde de vaccins. En effet, Serum Institute of India est le plus grand fabricant de vaccins contre la rougeole et les DPT (diphtérie, coqueluche et tétanos). Autant de vaccins très utilisés en Afrique et qui pourraient être fabriqués sur le continent.
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Malheureusement, cette dépendance est néfaste. Pour preuve, face à la pandémie du Covid-19, l’Afrique est à date d’aujourd’hui le continent le moins vacciné du monde, à cause notamment d’un accès limité aux vaccins. La situation aurait été pire encore si le programme Covax, initié par l’Alliance Gavi, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux pandémies (CEPI) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), n’était pas venu à la rescousse du continent, sachant qu’un seul pays africain, le Maroc, pour ne pas le citer, s’était réellement positionné pour acquérir des vaccins auprès des laboratoires pharmaceutiques engagés dans le processus de fabrication de vaccins anti-Covid-19. Une grande partie des vaccins administrés en Afrique l’ont été grâce au programme Covax.
Si 10 milliards de doses de Covid-19 ont été administrées dans le monde et 52,9% de la population mondiale vaccinée, à peine 10% des adultes africains le sont. L’absence de vaccins y est pour beaucoup.
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C’est à ce titre que l’initiative marocaine est plus que louable. En effet, le lancement du méga-projet de fabrication de vaccins anti-Covid-19 et autres vaccins permettra au Maroc et au continent africain de réduire leur dépendance en vaccins vis-à-vis du reste du monde et de se préparer pour affronter d’autres pandémies, sans, cette-fois, compter sur les pays développés qui ont montré leur égocentrisme durant cette pandémie du Covid-19.
L’usine dont les travaux ont été lancés par le roi Mohammed VI, le jeudi 27 janvier 2022, à Benslimane, dans la région de Casablanca, est une réponse marocaine et africaine aux politiques de refus de partage des vaccins anti-Covid-19 par les pays développés et une stratégie de réduction de la dépendance de l’Afrique aux vaccins importés.
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C’est à ce titre que le méga-projet marocain est le bienvenu pour un continent qui doit plus que jamais compter sur lui-même. Baptisée Sensyo Pharmatech, l'usine démarrera la production des lots de vaccins d’essais le 30 juillet 2022. Cette usine de fabrication et de mise en seringue de vaccins anti-Covid-19 et autres vaccins, disposant de 3 lignes industrielles dont la capacité combinée de production atteindra 116 millions d’unités en 2024, est dédiée à la production de seringues pré-remplies, de flacons de liquides et de flacons lyophilisés. Cette première phase nécessitera un investissement de 200 millions d’euros.
Toutefois, ambitieux, le projet intègre le transfert vers le Maroc de plateformes biotechnologiques avancées incluant la recherche pharmaceutique, le développement clinique, le développement et la production de thérapies cellulaires et géniques, la fabrication et la commercialisation de produits biopharmaceutiques de grandes nécessités…
Ainsi, à l’horizon 2025, l’unité industrielle assurera le transfert du remplissage aseptique et de la fabrication de substance active de plus de 20 vaccins et produits bio-thérapeutiques dont 3 vaccins anti-Covid-19, couvrant plus de 70% des besoins du Royaume et plus de 60% de ceux du continent.
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Ainsi, à terme, ce méga-projet va nécessiter un investissement global compris entre 400 et 500 millions d’euros.
Fruit d’un partenariat public-privé avec l’accompagnement d’un des leaders mondiaux de la biotechnologie et de l’industrie du «fill & finish», la société suédoise Recipharm, Sensyo Pharmatech sera la plus grande plateforme par capacité de «fill & finish» de vaccins en Afrique. Et à terme, elle se positionnera parmi les 5 plus grandes fabricants de vaccins du monde pour faire du Maroc un hub pharmaceutique mondial.
En effet, à travers ce méga-projet, le Maroc démontre une fois de plus sa vision panafricaine en dotant le continent d’une infrastructure devant lui permettre de réduire très fortement sa dépendance en vaccins. Il faut reconnaître que cette dépendance est plus qu’inquiétante.
C’est dire que ce méga-projet pose véritablement les jalons d’une souveraineté pharmaceutique et médicale pour le Maroc et le continent africain grâce à la production de vaccins vitaux. Il constituera une pierre angulaire de l’écosystème industriel pharmaceutique du continent grâce à ses plateformes biotechnologiques et à ses laboratoires de recherche et développement.
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Avec ce méga-projet marocain, et les initiatives entreprises dans un certain nombre de pays dont l’Afrique du Sud qui s’est lancée dans la conception d’un premier vaccin africain à ARN messager, les projets programmés au Sénégal et au Rwanda, et les productions de vaccins en Egypte et en Algérie, l’Afrique pourra réduire très fortement, dans les toutes prochaines années, sa dépendance absolue aux vaccins produits à l’étranger. Ces projets vont permettre un accès à divers vaccins à des prix abordables en Afrique. De même, cette production locale va réduire les factures d'importation de produits pharmaceutiques des pays africains.
Mieux, en accordant un intérêt particulier, dans le cadre du méga-projet marocain, à la recherche et aux biotechnologies, le Maroc se prépare activement à pouvoir apporter rapidement des vaccins lors de la survenance d’autres pandémies.
Une chose est sûre, et c’est l’un des enseignements positifs du Covid-19, les Africains ont compris la nécessité vitale de se prendre en main en matière de production de vaccins, toutes thérapies confondues, et de ne pas compter sur les «dons» des pays développés et émergents. C'est déjà un acquis positif du Covid-19!