Mauritanie: des non-dits au sujet du protocole de règlement amiable avec Pizzorno

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Le 26/01/2017 à 19h29

L'épilogue concernant le contrat entre l'Etat mauritanien et Pizzorno, filiale de l'entreprise française Dragui Transport, continue de susciter des réactions. Il faut dire que ce règlement a laissé sur le carreau 1.200 employés, fournisseurs et autres prestataires de services mauritaniens.

Kiosque le360 Afrique. Survenu il y a 3 années dans la douleur, l’épilogue concernant le contrat entre l’Etat mauritanien et l’entreprise Pizzorno, pour un règlement à l’amiable portant sur 2,2 milliards d’ouguiyas continue à susciter des interrogations dans la presse locale et provoquer des vagues. Illustration à travers la livraison de l’hebdomadaire «Le Calame» de ce mercredi 25 janvier 2016.

Le journal revient sur cette affaire en posant de nombreuses questions qui constituent autant de zones d’ombre. «La Mauritanie a-t-elle été flouée par la société Dragui Transport (filiale du groupe française Pizzorno) qui assurait la collecte, le transport et l’enfouissement des déchets solides de la ville de Nouakchott entre 2007 et 2014? S’est-elle laissée volontairement berner? Y a-t-il eu entre les deux parties un arrangement dont on ne connaîtra jamais la nature, ni le montant? Il y a en tout cas anguille sous roche à la lecture du protocole transactionnel signé le 29 janvier 2015, dont Le Calame détient copie».

Le journal cite au passage les noms des hauts responsables ayant représenté le gouvernement mauritanien pour la signature de l’acte mettant fin au litige.

A l’origine du différend entre les autorités de Nouakchott et Pizzorno, une demande insistante de l’entreprise française portant sur plus de 4 milliards d’ouguiyas au titre de la révision des prix et plus de 600 millions d’ouguiyas d’arriérés.

Pizzorno tentait ainsi d'obtenir une revalorisation financière du contrat signé au début de l’année 2007 sous la transition militaire conduite par le colonel Ely Ould Mohamed Vall, proche cousin du président Mohamed Ould Abdel, devenu opposant irréductible au régime actuel de Nouakchott.

Le gouvernement mauritanien trouvait ainsi l’occasion rêvée de se débarrasser du lien contractuel avec la filiale de Dragui Transport. La suite logique de la surenchère est une décision unilatérale de rupture de contrat prise par l’Agence nationale de développement urbain (ADU) au début de l’année 2014.

Une démarche imprudente dont la conséquence est un réveil «de l’activisme débordant des milieux d’affaires français, particulièrement dans leur pré carré africain. Le patronat, regroupé au sein du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), entama une vaste opération de lobbying pour faire plier le gouvernement mauritanien», écrit le journal.

Nouakchott céda sous la crainte d’une mauvaise publicité dont la suite inévitable serait une fuite des investisseurs. C’est dans ce contexte de grosse peur dans le camp du gouvernement mauritanien que Pizzorno débarque à Nouakchott en janvier 2015 pour des négociations qui aboutissent à un arrangement à l'amiable.

On assiste alors «à une véritable montée des enchères, la société française réclamant 619 millions d’ouguiyas pour des prestations contractuelles exécutées et non payées, un peu plus de 4 milliards d’ouguiyas au titre de la révision des prix, 346 millions pour les intérêts moratoires, 654 millions d’ouguiyas au titre de crédit de TVA et la restitution d’une somme de 261 millions d’ouguiyas au titre de cautions contractuelles...». Bref, c’est une somme de 6 milliards d’ouguiyas que l’entreprise française a su négocier.

Finalement, la partie mauritanienne va effectuer un virement de 2,27 milliards d’ouguiyas au profit de Dragui Transport. Un montant qui correspond en réalité à plus que ce qu’espérait obtenir l’entreprise française.

Seulement, en touchant cette somme, celle-ci oublie totalement ses salariés (1.200 employés), les fournisseurs et autres prestataires mauritaniens. Reste à savoir s’il n’y a pas eu réellement un accord entre les deux partes, conclu sur le dos des Mauritaniens?

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 26/01/2017 à 19h29