Mauritanie: en cadeau de mise à mort du Sénat, les élus obtiennent des terrains

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Le 06/01/2017 à 19h24, mis à jour le 06/01/2017 à 20h02

La mise à mort de la chambre du Sénat mauritanien est programmée par l’homme fort de la Mauritanie, Mohamed ould Abdel Aziz. Une décision qui n’enthousiaste pas les sages. Du coup, l’octroi de terrains de valeur donne un goût d’achat de conscience.

Dans le cadre de la réforme de la constitution mauritanienne, l’une des mesures phares a trait à la suppression du Sénat, la première chambre du parlement mauritanien. Une décision du président Mohamed ould Abdel Aziz qui ne satisfait naturellement pas lesélus (indirectement) de cette institution. Ils ne souhaitent en effet pas perdre leurs avantages. En homme politique «avisé», le président Mohamed Ould Abdel Aziz sait que la pilule sera très amère à avaler pour ces hommes qui l’ont toujours soutenu, notamment en se constituant en véritable «bataillon» d’élus frondeurs avant le putsch «rectificatif» du 06 août 2008.

Face à cette situation et sachant que pour que cette réforme passe, il faut l’aval d’une majorité des 2/3 des élus du peuple (députés et sénateurs réunis). Devant aussi l’inefficacité des pressions des dirigeants sur les sénateurs, il fallait négocier avec les élus. Après plusieurs rencontres, ces sénateurs ont été longuement reçus en audience il y a quelques semaines par le président. Une rencontre riche en témoignages de fidélité, à l’issue de laquelle les sénateurs se sont fermement engagés à voter en faveur des réformes constitutionnelles, sabordant ainsi leur institution, créée à l’aube du processus démocratique en Mauritanie.

Depuis, la fronde semble avoir cédé du terrain à un accord entre le président et les élus de la chambre haute. Ainsi, les 56 sages sont appelés à voter sans broncher et sans état d’âme, la «mort» de leur institution. Connaissant ces vieux, si attachés au côté matériel, il est certain que des garanties les ont été offertes par l’homme fort de la Mauritanie.

Partant, l’annonce d’octroi de terrains à ces élus ressort comme la partie visible de l’iceberg. En effet, à quelques semaines de l’élection cruciale, on vient d’annoncer l’octroi de lots de terrains d’une superficie allant de 400 à 500 mètres carrés à tous les sénateurs dans une zone résidentielle située à l’extrême Nord de Nouakchott, selon plusieurs sources concordantes.

Ainsi, les 56 sages vont bénéficier de la carotte des terrains en zone résidentielle avant d’encaisser le coup de Trafalgar de la mise à mort programmée de la chambre haute d’un parlement qui va bientôt rentrer dans une nouvelle ère de monocaméralisme, comme celle qui prévalait avant le premier coup d'Etat en Mauritanie en 1978.

La valeur d’une de ces unités est évaluée à plus d’une dizaine de millions d’ouguiyas, parfois beaucoup plus selon le caractère stratégique de l’emplacement.

Cette nouvelle, annoncée dans un contexte politique marqué par les préparatifs pour l’adoption d’une série de réformes constitutionnelles, laisse perplexe. Le bon sens voudrait, si bon sens il y a, que ces cadeaux soient «octroyés» à ces hommes si riches déjà, une fois le Sénat mis à mort et non avant.

Il faut rappeler qu’un référendum était initialement prévu à cet effet avant d’être annulé au profit de l’adoption par la procédure des chambres (Sénat et Assemblée nationale) réunies de manière extraordinaire. Les Mauritaniens peuvent ainsi dire adieu à leur drapeau et à leur hymne unitaire.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 06/01/2017 à 19h24, mis à jour le 06/01/2017 à 20h02