Après le référendum constitutionnel organisé le 5 août dernier sur la base d'un article 38 de la Constitution, fortement controversé, voire contesté, les autorités mauritaniennes continuent sur leur lancée.
car intervenant dans le cadre d’une démarche politique se référant à un dialogue boycotté par la plus grande partie de l’opposition,
Après la modification des symboles nationaux et le changement de l’hymne national, une nouvelle étape a été franchie. Ainsi, l’Assemblée nationale a examiné et adopté une loi organique dont l’objectif est de matérialiser les conseils régionaux, au cours d’une séance plénière qui s’est déroulée lundi après-midi.
Ce nouveau découpage divise le pays en 4 régions administratives. La première regroupe les deux Hodhs (est), la deuxième l’Assaba, le Tagant et le Guidimaka (centre), la troisième le Gorgol, le Brakna et le Trarza (région du fleuve) et, enfin, la quatrième région regroupe le Tiris Zemmour, l’Adrar et l’Inchiri (nord).
Cette nouvelle loi organique «fixe les conditions de gestion des affaires de cette collectivité territoriale, les compétences propres de la région, les compétences transférées de l’Etat, les règles d’organisation et de fonctionnement des organes locaux, les conditions d’éligibilité et de candidature des futurs membres du conseil régional, le régime financier de la région, l’origine des ressources financières et les statuts financiers des régions de Nouakchott et Nouadhibou», selon les explications fournies aux députés par le ministre de l’Intérieur et de la décentralisation, Ahmedou Ould Abdallah.
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La région est créée «sous la forme d’une collectivité locale territoriale administrée par des organes élus au suffrage universel direct. Les limites territoriales de la région coïncident avec celles de la circonscription administrative de la wilaya. La nouvelle région a pour mission de promouvoir le développement économique, social, culturel et scientifique dans son ressort territorial, dans le respect de l’intégrité, de l’autonomie et des attributions des autres collectivités territoriales. La région est administrée par deux organes: un organe délibérant (le conseil régional) élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans et un organe exécutif composé d’un président élu au suffrage universel direct et de plusieurs vice-présidents en fonction du nombre de conseillers régionaux élus par les pairs».
Les actes de la région sont soumis à l’approbation de la tutelle de l’Etat exercée par le ministère de l’Intérieur et de la décentralisation et le ministère des Finances.
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Abordant le chapitre des compétences, le ministre mauritanien de l’Intérieur et de la décentralisation a ajouté que «la nouvelle région est dotée de larges compétences dans des domaines multiples, les plus importantes qu’on puisse consentir dans le cas d’une expérience qui fait ses premiers pas, d’autant plus que ces pouvoirs seront constamment renforcés à l’avenir».
La tutelle dispose du redoutable pouvoir de dissoudre un conseil régional, ou de destituer son président «en cas d’atteinte à la loi», selon le responsable gouvernemental.
Statut particulier pour Nouakchott et Nouadhibou
Abordant le volet financier, le ministre mauritanien de l’Intérieur et de la décentralisation a indiqué que les ressources de la région «englobent les allocations destinées à couvrir les dépenses de fonctionnement, allouées en vertu de la loi des finances, les taxes domaniales, et les résultats de l’exploitation du patrimoine domanial, ainsi que les coûts des services rendus, en plus d’autres ressources comme les dons, les fonds d’appui et ceux destinés aux prêts».
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La loi organique sur les conseils régionaux confère un statut particulier à Nouakchott et Nouadhibou, les deux plus grandes villes du pays.
Ainsi, l’agglomération de la capitale politique, Nouakchott, «est érigée en une collectivité territoriale régionale, avec la suppression de la Communauté urbaine de Nouakchott (CUN) dont le patrimoine et les ressources seront transférés à la nouvelle Région de Nouakchott. Les communes (au nombre de 9) conservent leur statut.»
Au niveau de la wilaya de Dakhlet Nouadhibou, il est créé une collectivité territoriale du même nom. «Elle n’exerce, dans les limites territoriales de la Zone franche de Nouadhibou (ZFN), que les compétences dans les domaines suivants: l’environnement, la gestion des ressources naturelles, l’éducation et la formation professionnelle, l’alphabétisation, la santé et l’action sociale, la jeunesse, les sports et les loisirs».
En Mauritanie, jusque-là, la décentralisation était réduite à sa plus simple expression, une décongestion administrative avec un pouvoir central refusant de limiter sa mainmise sur des territoires sur lesquels les populations n'ont aucun droit de regard.
Une réalité résumée par l’édile d’une capitale régionale à travers cette formule lapidaire: «Ici, en décentralisant, on a légué les problèmes aux mairies, sans leur conférer le moindre pouvoir administratif, ni une source conséquente de ressources».
Pire: «quel changement la création des conseils régionaux serait-elle susceptible d’apporter dans des pays caractérisés par la concentration du pouvoir d’Etat entre les mains d’un individu?», s’interroge un opposant.