Dans un entretien exclusif publié cette semaine par «Sud Quotidien» le doyen des organes de la presse privée au Sénégal, Sarr Ibrahima Moctar, député, ancien détenu de la célèbre prison de Oualata, sous le magistère de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, 2 fois candidat malheureux à une élection présidentielle, n’a pas pris de gants pour dénoncer le système politique mauritanien qualifié de«féodal, ségrégationniste et raciste».
Se montrant plus précis, l’élu a même lancé un avertissement: «dans 5 à 6 ans, il n’y aura plus de noirs dans l’administration mauritanienne». Une réalité, malheureusement, que partagent de nombreux négro-mauritaniens (composante non arabe de la Mauritanie) qui intègrent de plus en plus difficilement la fonction publique à cause de leurs lacunes en langue arabe.
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En effet «ce soixante-huitard reste convaincu que le système politique de son pays a atteint ses limites». Décrivant des pratiques honnies, il signale que «les gens sont cooptés à partir des grandes familles, que ce soit chez les négro-africains, ou les maures, c’est un système esclavagiste. Les autorités reconnaissent l’existence de séquelles du phénomène, mais en vérité, dans certains coins de la Mauritanie, il s’agit d’une pratique véritable de l’esclavage comme dans les temps anciens».
Face à ces propos, la réplique du gouvernement est tombée jeudi après-midi. S’exprimant à l’occasion d’un point de presse consacré aux commentaires des résultats de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Mohamed Lemine Ould Cheikh, a répondu à la déclaration du député.
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Le responsable gouvernemental a condamné «un discours extrémiste, tenu à travers des propos excessifs et de la part d’un homme politique extrémiste». Mohamed Lemine Ould Cheikh a par la suite déploré le fait que, de temps à autre, des individus reprennent pareil discours au-delà du leader de l’AJD/MR qui prétend «qu’une minorité composée de Maures blancs contrôle les commandes de l’Etat au détriment d’une majorité imaginaire».
Le débat sur la cohabitation en Mauritanie revient devant la scène à intervalle plus ou moins régulier depuis 1966 avec un épisode douloureux et sanglant à la fin des années 1980, sous le règne du président Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Une période marquée par une spirale de répression contre les cadres et la communauté négro africaine.
Dans le contexte actuel, le débat sur la cohabitation communautaire refait surface à moins de 18 mois d’une élection présidentielle prévue en 2019, mais aussi des législatives, régionales et municipales inscrites dans l’agenda républicain en cette année 2018.
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Une période préélectorale «propice à toutes les formes de surenchères politiques et même politiciennes, pour draguer un électorat bien ciblé» déplore un analyste.
Ainsi, parmi les conclusions des journées de concertation organisées cette semaine par l’Union pour la république (UPR), principal parti de la majorité et fer de lance du président Mohamed Ould Abdel Aziz (qui ne sera pas candidat cette fois) pour les grandes conquêtes électorales, figure une recommandation relative à l’introduction des langues nationales (Peule, Soninké et Wolof) dans le système éducatif.
Répondant à cette sollicitation, le Pr Lô Gourmo Abdoul, vice-président de l’Union des forces de progrès (UFP, opposition), renvoie le parti présidentiel à ses chères études «politiciennes» en lui suggérant d’abord l’officialisation de ces trois langues au même titre que l’arabe.