Après des sorties au vitriol portant sur une gouvernance qualifiée «d’immonde», suivies de violentes attaques par organes de presse interposés, le conflit entre le pouvoir de Nouakchott, incarné par le président Mohamed Ould Abdel Aziz, et l’ONG Sherpa, de l’avocat William Bourdon «change de visage et vire à la guerre de tranchées», informe la très introduite Lettre du Continent.
Cet organe parisien est généralement bien informé des moindres faits, gestes, soupirs et signaux émis à partir de l’Elysée et des lambris dorés des palais présidentiels africains.
En pointe sur tout ce qui concerne le continent africain, il fait des révélations sur les préparatifs «d’une enquête policière mondiale» présentée comme «une version vent de sable de l’Affaire des biens mal acquis». La trame de l’histoire renvoie à la poursuite et à l’approfondissement d’un travail déjà entamé.
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Sherpa a déjà dénoncé «un gigantesque système d’évaporation» à travers la pratique de la «corruption» à grande échelle, dans un rapport produit il y a quelques mois. La suite est déclinée sous la forme d’une série de plaintes contre certaines figures du pouvoir de Nouakchott, et le président serait lui-même visé.
Des actions devant des juridictions au Canada et en Suisse, soutenues par plusieurs ONG à travers des plaintes dénonçant «détournement de fonds publics, enrichissement illicite et blanchissement».
Parallèment au travail devant les tribunaux, l’action de Sherpa et des ONG associées consiste également «à recenser les actifs à l’étranger et les conditions de leur acquisition», avec en ligne de mire plusieurs personnalités évoluant dans le cercle de l’entourage présidentiel.
Les enquêtes de Sherpa, rappelle La Lettre du Continent , «coïncident également avec l’agenda d’un fidèle soutien financier de l’association: Mohamed Ould Bouamatou. En effet, dès 2014, l’oligarque mauritanien, patron du groupe Bouamatou SA, a servi de lanceur d’alertes à Sherpa comme pour mieux torpiller Mohamed Ould Abdel Aziz, son ennemi juré, ainsi que le soulignent plusieurs correspondances saisies, fin 2017, par les autorités de ce pays sur l’ordinateur d’un collaborateur de Bouamatou».
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Le cadre proche du banquier mauritanien, dont le cas est évoqué par La Lettre du Continent, s’appelle Mohamed Ould Debagh. Il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis le 1er septembre 2017, dans le cadre de l’instruction d’une affaire de corruption présumée visant des opposants politiques parmi lesquelson retrouve douze ex-sénateurs, des syndicalistes et des journalistes, et dont le cerveau serait Bouamatou, lui-même objet d’un mandat d’arrêt.
Revenant sur les activités de maître William Bourdon et ses rapports avec Mohamed Ould Bouamatou, La Lettre du Continent évoque «un mélange des genres» au sujet des actions de Sherpa et de l’office de l’avocat. Car, «celui qui recourt régulièrement au pseudonyme de ma symphonie a versé 250.000 euros d’honoraires forfaitaires au cabinet Bourdon et Forestier, sur un compte ouvert à la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), via la Générale de banque de Mauritanie (GBM), le navire amiral de BSA, ou la SOFRAMA, société gérée par le bras droit de Bouamatou, Melainine Ramdane. Pour échanger sur ce dossier, l’avocat passe par un autre client ami: Mohamed Ould Debagh, vice-président de BSA, surnommé Jean-Claude Taillieu».
Parlant des enquêtes engagées sur les biens présumés mal acquis dans le cas de la Mauritanie, maître Bourdon les qualifie «de parfaitement légitimes et indépendantes, tout en faisant valoir que la Fondation pour l’égalité des chances en Afrique de Mohamed Ould Bouamatou, finance Human right watch (HRW)».
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En attendant, l’épilogue de ces enquêtes tous azimuts hors de l’Hexagone, maître Bourdon ouvre un front intérieur à travers une plainte contre maître Jemal Ould Taleb, principal relai du président Mohamed Ould Abdel Aziz en France. Celui-ci est assigné devant le Tribunal de grande instance (TGI) de Paris.
Il reproche à maître Jemal «l’usage du titre d’avocat» alors qu’il ne serait pas inscrit au barreau. Jugée recevable, la plainte contre cet "ambassadeur itinérant" de Mauritanie fait actuellement l’objet d’une enquête préliminaire confiée à la Brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA).
Ainsi, le combat entre le pouvoir de Nouakchott et l’ONG Sherpa, avec en toile de fond la main du banquier Mohamed Ould Bouamatou, prend une nouvelle tournure dans un contexte politique particulier.
La Mauritanie est à l’orée d’un agenda électoral chargé en 2018 et 2019, avec des législatives, des régionales, des municipales et une présidentielle à la laquelle ne devrait (normalement) pas prendre part l’actuel locataire du Palais gris pour cause de limitation des mandats.
Il faut rappeler, comme semble l'oublier La lettre du Continent, que Maître Bourdon forme, depuis 2012, avec l'ex-batonnier du barreau mauritanien, Ahmed Salem ould Sid'Ahmed ould Bouhoubeyni, et Maître Yezid ould Bemba ould Yezid le collectif d'avocats qui a défendu Mohamed ould Bouamatou contre l'acharnement de son cousin... Ould Abdelaziz, dont il avait financé la première campagne électorale.