Mauritanie: Biram met en garde Macron contre «le piège du reniement»

Biram Dah Abeid, député et leader de l’Initiative du mouvement abolitionniste (IRA/organisation anti esclavagiste).

Biram Dah Abeid, député et leader de l’Initiative du mouvement abolitionniste (IRA/organisation anti esclavagiste).. DR

Le 22/06/2018 à 13h48, mis à jour le 22/06/2018 à 14h20

Biram ould Dah ould Abeid, leader de l'Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), met en garde le chef de l'Etat français contre «le piège du reniement», à travers une lettre ouverte, et ce quelques jours avant la visite d'Emmanuel Macron en Mauritanie.

Biram ould Dah ould Abeid, leader de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (une ONG antiesclavagiste), met en garde le président français, Emmanuel Macron, contre «le piège du reniement» dans une correspondance ouverte, publiée quelques jours avant la visite de ce dernier en Mauritanie, au moment de la tenue des assises du 31e sommet des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union africaine (UA), prévues du 25 juin au 2 juillet.

Biram ould Dah ould Abeid a reçu le prix des droits de l’Homme de l'ONU en 2013 et s’est classé deuxième à l’issue de l’élection présidentielle mauritanienne de juin 2014 (boycottée par les figures historiques de l’opposition). Son mouvement a récemment conclu une alliance controversée avec le parti «Sawab», une formation issue de la mouvance nationaliste arabe, en perspective des prochaines élections générales dans le pays.

Dans sa correspondance, le leader antiesclavagiste rappelle au chef de l’Etat français un passage de ses nombreux discours, prononcé en novembre 2017. Des mots «courageux» à travers lesquels Emmanuel Macron qualifiait «l’esclavage de crime contre l’humanité».

Ainsi «à ceux qui reprochaient aux Occidentaux leur part de responsabilité» historique dans ce phénomène «vous avez si justement expliqué qu’en Libye, actuellement, la traite des êtres humains est faite par des Africains contre des Africains».

Ouvrant une fenêtre sur le cas de la Mauritanie, la correspondance du leader de l’IRA présente le tableau sombre d’un pays «ou l’esclavage, omniprésent et séculaire, demeure le fait d’Africains contre d’autres Africains. Vous allez rencontrer un chef d’Etat témoin d’une tentative d’épuration ethnique contre des populations noires, de 1986 à 1991. Avec lui, vous allez aborder des défis régionaux à caractère transversal tels que le développement, la sécurité, la stabilité et la paix dans l’espace sahélo-saharien. La lutte contre le terrorisme sera au centre de vos échanges».

Alors qu’en Mauritanie, «l’esclavage, le racisme anti noir et l’extrémisme religieux constituent les facettes d’une même oppression».

Le leader antiesclavagiste évoque également «l’exploitation de la main-d’œuvre haratine, victime du rite malékite, la banalisation de la torture, la persécution des militants de l’IRA, les difficultés d’enrôlement», ainsi que le cas du blogueur Mohamed Cheikh ould M’kheitir (resté en détention administrative après l’annulation de sa condamnation à mort).

Au finish, il invite le président Macron à «ne pas cautionner toutes ces dérives».

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 22/06/2018 à 13h48, mis à jour le 22/06/2018 à 14h20