S’exprimant mardi dernier, le 20 novembre, en marge de la 8e édition du Festival des villes anciennes de Mauritanie (FVAM), organisée cette année dans la cité de Walata (1300 kilomètres à l’Est de Nouakchott), le président mauritanien, Mohamed ould Abdel Aziz, reconnaît l’impossibilité de sa candidature à l’élection présidentielle 2019. Mais il pense néanmoins reprendre «son»fauteuil au delà de cette échéance.
«Non, je ne suis pas candidat à 3e mandat. Je suis sensible à tous les appels, j’écoute tout le monde. Les appels de mes partisans en vue d’un maintien au pouvoir. Mais il y a aussi ceux qui appellent à la limitation des mandats. De toutes façons, je suis là pour respecter et faire respecter la constitution du pays. Celle-ci limite à deux le nombre de mandats du président de la République».
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Mais le président mauritanien, qui a toujours joué avec les mots, a cette fois-ci donné un aperçu sur ce qu'il compte faire pour conserver le pouvoir.
"Je vais continuer mon engagement en faveur de la Mauritanie et à faire de la politique. Je resterais ici dans le pays, sur la même voie, et dès que la constitution me permettra de me présenter, je le ferais. Donc, si je ne peux me représenter maintenant pour un troisième mandat, je pourrais me représenter plus tard. La constitution ne m’empêche pas de me représenter après».
Seulement, l'interprétation qu'a voulu faire le président de la loi fondamentale mauritanienne ne passe pas. En effet, l’article 28 de la constitution, promulguée en juillet 1991, et amendée par voie référendaire le 25 juin 2006, affirme que «le président de la République est rééligible une seule fois».
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L’article 29 ajoute qu'«avant d'entrer en fonction, le président de la République prête serment en ces termes: je jure par Allah l’unique de bien et fidèlement remplir mes fonctions, dans le respect de la constitution et des lois, de veiller à l’intérêt du peuple mauritanien, de sauvegarder l’indépendance et la souveraineté du pays, l’unité de la patrie et l’intégrité du territoire national. Je jure par Allah l’unique, de ne point prendre ni soutenir directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat du président et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente constitution».
Ainsi, à travers sa nouvelle sortie de ce mardi 20 novembre, le président Mohamed ould Abdel Aziz semble envisager la perspective d’une candidature au-delà de l’échéance présidentielle 2019...
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Une thèse que réfute Lô Gourmo, vice-président de l'UFP. Cet opposant, par ailleurs spécialiste du droit constitutonnel, soutient «qu’au terme d’un deuxième mandat, le président de la République est interdit à vie, de toute candidature à une élection présidentielle».
Pour lui, le président admet désormais sans fioritures ne pouvoir se présenter pour un troisième mandat, en ce qui concerne la prochaine élection présidentielle. Mais, pour consoler ses soutiens, orphelins de ce troisième mandat, il leur explique que «la constitution ne m’empêche pas de me présenter après».
Pour ce professeur universitaire, il y a là une interprétation fort insolite d’une disposition constitutionnelle claire et nette. Il y a de nombreuses variantes possibles du système de limitation du nombre de mandats qu’un chef d’Etat peut exercer. Dans certains pays, la limitation du nombre de mandats s’effectue dans le temps. Par exemple, le nombre serait limité en fonction de leur caractère successif.
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Ainsi, alors qu'en France l’article 6 de la constitution «dispose que nul ne peut exercer plus de 2 mandats consécutifs. Cela autorise donc que l’on puisse se présenter autant de fois que l’on veut à une élection présidentielle à condition que les 2 mandats antérieurs aient été rompus par l’exercice du pouvoir de la part d’un autre président», dans le cas de la Mauritanie, «le président de la République est rééligible une seule fois. Cela signifie en effet, qu’une fois qu’il a (accompli) deux mandats dans sa vie de citoyen, il est frappé définitivement d’inéligibilité à une élection présidentielle, donc à une fonction présidentielle», a conclu le constitutionnaliste.
Bref, en toute logique, l'actuel président mauritanien est disqualifié pour toute autre élection présidentielle. A moins qu'il ne procède à une nouvelle réforme constiutionnelle...