Mauritanie: passe d'armes entre soutiens de l'ex et du nouveau président

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Le 07/08/2019 à 15h37, mis à jour le 07/08/2019 à 15h39

La polémique au sujet d’un appartement parisien attribué à l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz, qui a cédé le pouvoir le 1er août avant de s'envoler vers Istanbul (Turquie), anime les conversations et a déclenché de vives querelles entre soutiens de l'ex et du nouveau président mauritanien.

«Anbaa-info» un site d’information en ligne arabophone, relayé par plusieurs organes locaux, a révélé il y a quelques jours «le placement sous scellé d’un appartement parisien propriété de l’ancien président, Mohamed ould Abdel Aziz, dans l’attente des résultats d’une enquête sur la source de l’argent ayant permis son acquisition».

La même source précisait que la police française avait «stoppé, la veille, un groupe de jeunes activistes mauritaniens qui tentaient de prendre d’assaut la propriété située dans le XVIe arrondissement de Paris».

Cette information a été démentie par maître Jemal ould Mohamed Taleb, conseil de l’ancien président et ambassadeur itinérant sous le régime Aziz. Cet homme de loi a mis «au défi, quiconque de trouver un appartement au nom de Mohamed ould Abdel Aziz» et a promis d’en offrir la propriété à celui qui en serait capable.

Ce démenti ne semble cependant pas convaincre Hacen ould Lobatt, cadre partisan du nouveau président Mohamed Cheikh Ahmed Mohamed Ghazouani, et principal animateur de son staff de communication pendant la campagne pour le scrutin présidentiel du 22 juin 2019.

Celui-ci rappelle une précaution basique: «Aziz n’est pas bête. Il ne mettra pas un bien immobilier à son nom. Surtout à Paris ou ses ennemis n’attendent que cela. Mon ami, maître Jemal sait qu’il existe plein d’astuces pour garder l’anonymat : les sociétés écrans, les courtiers prête-nom, les SCI... C’est rare, mais parfois Aziz choisit bien ses collaborateurs. Et maître Jemal fût l’un des meilleurs, et des plus fidèles. Il a sorti le président de quelques situations délicates, mais Aziz est ingrat, sinon il aurait dû le nommer, lui, ministre de la Justice du gouvernement sortant».

Une sortie que l’avocat franco-mauritanien qualifie «d’inamicale et pleine d’insinuations graves et diffamatoires. Je n’ai jamais fait de montages opaques pour qui que ce soit et je ne compte pas en faire. Je suis convaincu que la place du président Mohamed ould Abdel Aziz est plus au Panthéon qu’en prison. Permettez-moi d’avoir la naïveté de penser qu’il est honnête et a toujours agi en homme d’Etat soucieux de l’intérêt général».

Maître Jemal ould Mohamed Taleb signale enfin n’avoir jamais sorti l’ancien président d’une quelconque situation délicate dans laquelle il ne s’est jamais trouvé, relevant au passage qu’avec de tels amis, tous vos ennemis peuvent dormir en paix.

Au-delà de ce cas de figure, classique, de la diffusion d’une information suivie d’un démenti, de nombreux observateurs se demandent si la passe d’armes Lobatt-Jemal ne porte pas les signaux annonciateurs de rapports conflictuels entre les partisans du nouveau pouvoir de Nouakchott et les quelques rares fidèles qui auraient le courage de rester attachés au président Mohamed ould Abdel Aziz.

Tout juste après la transmission du pouvoir à Mohamed Cheikh Mohamed Ahmed Ghazouani, l’ancien chef de l’Etat mauritanien a en effet fait l’objet d’une série de plaintes déposées auprès d’un tribunal de Nouakchott, sous divers motifs.

Aziz et Ghazouani sont de fidèles compagnons depuis une quarantaine d’années. Mais la gestion du pouvoir de l'Etat et le poids de l’entourage seront des facteurs déterminants dans la configuration des relations futures entre les deux hommes.

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 07/08/2019 à 15h37, mis à jour le 07/08/2019 à 15h39