Mauritanie: l'ancien président Ould Abdel Aziz n'a pas tout dit en conférence de presse

L'ancien président Mohamed ould Abdel Aziz.

L'ancien président Mohamed ould Abdel Aziz. . DR

Le 28/08/2020 à 16h14, mis à jour le 29/08/2020 à 12h52

L'ex-président mauritanien Mohamed ould Abdel Aziz a organisé une conférence de presse durant la nuit du jeudi 28 août. Occasion pour dénoncer ce qu'il appelle "un règlement de compte" et "une détention arbitraire".

Annoncée depuis plusieurs semaines et reportée du fait d’un événement inattendue, la conférence de presse Mohamed ould Abdel Aziz, ancien président mauritanien (2008/2019), couverte en directe par une chaîne de télévision privée de la place, a finalement eu lieu au cours de la nuit du jeudi au vendredi.

Visiblement fatigué, avec des traits tirés, état physique probablement imputable aux épreuves subies pendant la quinzaine écoulée, l’ancien homme fort de Nouakchott s’est pourtant montré offensif dans le discours, même si certains analystes décèlent un manque flagrant de cohérence dans ses propos.

Au cours de sa rencontre avec la presse, l’ancien chef de l’Etat a abordé de nombreuses questions, avec comme fil rouge la thèse d’une cabale contre sa personne, victime "d’une instrumentalisation de la justice, pour un règlement de comptes politiques".

Jugeant sa garde à vue "arbitraire et injuste", Abdel Aziz a explqiué qu'il n'a répondu à aucune question des policiers de crimes économiques car "la procédure est illégale", s'est-il justifié. 

Offensif parfois, Mohamed ould Abdel Aziz a, à son tour, accusé «de corruption» le régime de son successeur. Et pour le justifier, l’ancien chef de l’Etat avance qie «la Mauritanie vient de vivre une année particulièrement marquée par la corruption. Ainsi, l’Inspection générale d'Etat (IGE) n’a pas effectué une seule mission de contrôle sous le nouveau régime. En plus, 300 millions d’ouguiyas (soit près d’un millions de dollars) ont été distribués aux députés pour qu’ils approuvent la création de la Commission d’enquête parlementaire (CEP)».

C’est le rapport de la CEP, transmis à la justice le 5 août dernier, qui est à l’origine de l’enquête préliminaire menée par la police anti-corruption, dans laquelle Mohamed ould Abdel Aziz a fait l’objet d’une garde à vue du 17 au 24 août. Suite à ce rapport, l'ancien président doit "répondre à de fortes présomptions de mauvaise gouvernance etd de détournements de biens publics". 

Les avocats de l’ancien président ont dénoncé une atteinte aux dispositions de l’article 93 de la constitution, lesquelles prévoient "une immunité au profit du président de la République, sauf pour des cas de haute trahison, dont le traitement relève de la compétence exclusive de la Haute cour de justice (HCJ)".

Il en profite pour s'attaquer aux parlementaires. "La Commission d'enquête parlementaire est illégalement composée. Je connais parfaitement tous les membres de cette commission et pourquoi ils sont là. Chacun de ses membres traîne des affaires qui le disqualifient", a souligné l'ancien chef d'Etat.

L’ancien chef de l’Etat juge impertinente l’option de mener une enquête sur la décennie de sa gouvernance «alors que la corruption continue à gangrener l’administration actuelle. Des faits d’une extrême gravité ont été également commis dans le passé sans donner lieu à une commission d’enquête. Le traitement des députés a connu récemment une hausse de 25.000 MRU (soit prés de 700 dollars) sur le dos du contribuable, pendant que des milliers de Mauritaniens souffrent de faim et se contenteraient d’un salaire minimum de 5.000 à 6.000 MRU».

Mohamed ould Abdel Aziz est également revenu sur le scandale du "GHANAGATE" à travers lequel il a fait l’objet de graves accusations portant sur un projet de blanchiment de faux dollars, dans le cadre d’une entreprise aux allures d’association de malfaiteurs, tentant de mouiller au passage son «ami» et ancien frère d’armes, l'actuel président Mohamed ould Ghazouani.

Lors de la rencontre avec la presse, l'ancien président a reconnu, à mots couverts, la réalité de sa fortune colossale, tout en niant les allégations suivant lesquelles la corruption en serait à l’origine, sans toutefois donner les éléments de nature à justifier une richesse qui paraît bien suspecte aux yeux de nombreux concitoyens, qui pensent que cette fortune ne peut être que le résultat du pillage des ressources nationales.

Sur ce point, l'ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz a tout simplement déclaré qu'il ne donnera aucune explication là dessus mais a quand même confirmé que pendant tout le temps passé au pouvoir il n'a jamais touché à une seule ouguiya de son juteux salaire qui était entièrement viré dans son compte de la BMCI,...

Aziz estime que l’évolution de ses rapports avec le nouveau régime est une escalade qui place le pays "sur une trajectoire dangereuse" d’un point de vue politique.

Rappelons que la police chargée de la répression des infractions à caractère économique et financier a ouvert une enquête préliminaire pour soupçon de «corruption» après la transmission à la justice, le 5 août dernier, du rapport d’une Commission d’enquête parlementaire (CEP) dénonçant des faits de mauvaise gouvernance pendant la décennie 2008/2019. Plusieurs personnalités ont été entendues dans le cadre de celle-ci.

Mais l’ancien président de la République est le seul responsable à avoir fait l’objet d’une mesure de garde à vue du 17 au 24 août, dans le cadre du traitement de cette affaire.

Ses avocats ont dénoncé «une séquestration, une atteinte aux dispositions de l’article 93 de la constitution, qui confère une immunité au président de la République, sauf pour des faits de haute trahison» dont le traitement relève exclusivement de la Haute cour de justice (HCJ).

Par Cheikh Sidya (Nouakchott, correspondance)
Le 28/08/2020 à 16h14, mis à jour le 29/08/2020 à 12h52