Le fait, inédit dans l'histoire de la Mauritanie, a entraîné les réactions de nombreuses personnalités du monde politique et de la société civile. Ainsi, Khalil ould Dedde, de l’Union des Forces de Progrès (UFP), estime que le pouvoir "ne doit pas servir à des fins d’enrichissement illicite". Il est "impératif", selon lui, que "les biens spoliés soient restitués". Ce député, issu d'un des principaux partis de l'opposition mauritanienne, souhaite que la justice suive son cours pour arrêter "l’impunité" et créer "les conditions d’un Etat de droit", d'un "vivre-ensemble".
Voici deux jours, en effet, vendredi dernier, 12 mars 2021, la justice mauritanienne a inculpé et placé sous contrôle judiciaire serré l'ancien président Mohamed ould Abdel Aziz, qui a dirigé la Mauritanie de 2008 à 2019, ainsi que 12 autres personnalités parmi lesquelles plusieurs ex-Premiers ministres, des ministres et des membres du cercle familial de l'ancien homme fort du pays. L'ex-président est désormais contraint de se rendre trois fois par semaine à la police pour y pointer.
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Khalil ould Dedde, dans sa réaction devant les médias, a rappelé le processus ayant mené au dossier actuellement pendant devant la justice, dont le rapport de la Commission d’enquête parlementaire, lequel a démontré les graves irrégularités qui ont pu entacher la gouvernance des deux mandats successifs de Mohamed ould Abdel Aziz. Le document a, par la suite, été transmis au gouvernement et des magistrats se sont emparés de ce dossier tentaculaire.
Alors que la justice mauritanienne a annoncé avoir saisi plusieurs biens mobiliers, immobiliers et d'importants montants en argent liquide, pour un total de 41 milliards d'ouguiyas, soit près de 160 millions de dollars, les personnalités inculpées sont poursuivies pour diverses infractions, parmi lesquelles des faits de "corruption", de "blanchiment d'argent", de "dissipation de biens publics".
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Et si, pour Moussa ould Mohamed Amar, ancien directeur général de l’Agence mauritanienne d’information (l'AMI, l'agence de presse oficielle du pays) ce "dossier [est] inédit dans l’histoire" de la Mauritanie, il ne s'agit là que du "début d’un processus", dont il est difficile d’imaginer l’épilogue pour le moment.
Toutefois, l'ancien patron de l'AMI décèle, une "volonté du pouvoir exécutif de laisser la justice faire son travail en toute indépendance". Il reste à savoir toutefois si, estime-t-il, celle-ci sera suffisamment outillée sur le plan technique, pour le traitement d’une affaire aussi complexe.
Pour sa part, Abdallahi ould Mohamed, dit Nahah, secrétaire général de la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM), l'une des plus importantes centrales syndicales de Mauritanie, précise que contrairement à une idée répandue dans l'opinion publique, qui pensait, visiblement à tort, que plusieurs personnalités allaient être envoyées en prison, lui, n’est pas favorable à cette option.
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Le plus important en effet, pour ce syndicaliste, c'est la "transparence dans le traitement" qui a été réservé à l'ancien président mauritanien, et "le retour des biens" qui auraient pu être détournés.
Nahah a aussi soulevé un autre problème: celui de l’absence de déclaration de patrimoine de ces responsables, ou, du moins, leur non-publication, au moment de leur entrée en fonction et de la cessation de celle-ci.
Ce sont là, a-t-il estimé, des "étapes capitales" dans la gouvernance publique. Il est, à cet égard, revenu sur des propos tenus par Mohamed ould Abdel Aziz, qui avait publiquement revendiqué "une immense fortune" que rien, en fait, "ne peut vraiment justifier".