Dans un éditorial mis en ligne sur son site Internet, sous le titre «Pourquoi l’Afrique repousse la France», le magazine fait état d’un «fossé qui s’agrandit» entre la France et l’Afrique dans le sillage de l’absence d’une «politique africaine» de l’hexagone.
La France a utilisé son intervention au Sahel pour rehausser son prestige international, faire la promotion de son outil militaire, se poser en champion du contre-terrorisme, imposer le respect aux Américains, et même servir de tremplin à l’Europe de la défense, sans voir que le sable lui filait entre les doigts, remarque-t-on, ajoutant que si l’ancienne puissance coloniale donne l’impression d’être ballottée par les événements en Afrique, c’est qu’elle n’y a pas pris à temps la mesure du changement d’époque.
Lire aussi : Périples des diplomates russes et américains, l’Afrique terrain d’une nouvelle «guerre froide»
Il s’agit d’un retournement qui survient en moins d’une décennie, renchérit l’éditorialiste, rappelant qu’en 2013, le président François Hollande s’imaginait en «pourfendeur du djihadisme africain» alors qu’au Mali, les militaires de l’opération Serval refoulèrent tambour battant les islamistes vers le nord.
Élu à l’Élysée, Emmanuel Macron «mit ses pas dans ceux de son prédécesseur. L’un et l’autre oubliaient que le terrorisme se nourrissait de problèmes locaux qu’une armée étrangère n’a pas les moyens de régler», soutient-on, estimant que Paris est écarté du grand jeu diplomatique africain, en raison de son «impuissance à faire échec au djihadisme».
Lire aussi : Burkina Faso: la tension avec Paris, c’est plus de souveraineté retrouvée, estiment experts et société civile
Et de souligner que l’effet domino s’accélère, car après le Mali et la République centrafricaine l’an dernier, l’armée française décampe du Burkina Faso. «Plus les militaires tuaient d’insurgés, plus le phénomène se métastasait, au Mali et dans les pays voisins comme le Niger ou le Burkina Faso. Les violences djihadistes ont augmenté de 300% en une décennie sur le continent, selon le ministère américain de la Défense», rappelle l’auteur, faisant valoir que l’«impuissance de l’armée française a alimenté la frustration de la population qui s’est retournée contre les libérateurs, désormais perçus comme des envahisseurs».
Le slogan «l’Afrique aux Africains» mobilise les foules à travers la bande sahélienne, remarque-t-on, soulignant que la France est «victime de sa propre ivresse de toute-puissance depuis son succès de 2013».
L’éditorialiste ajoute que «des défis cruciaux comme la régulation de la migration ou la lutte contre le changement climatique ne peuvent pas être relevés sans une coopération étroite avec les pays africains, qui sont aussi divers que nombreux». «Plutôt que de se faire expulser d’un pays après l’autre, il est temps de reprendre l’initiative», conclut-on.