Le président français a beau annoncer la fin de la «françafrique», appelant à de nouveaux partenariats, les vieux réflexes inhérents à celle-ci sont omniprésents dans ses discours. Dernière en date, sa sortie en république démocratique du Congo (RDC) où il a une fois encore fait parler sa fibre paternaliste avec de l’irrespect envers les dirigeants congolais.
«Depuis 1994,vous n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. C’est une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur», a souligné le président français à l’égard de son homologue congolais, lors d’une conférence de presse animée par les deux présidents au palais de la Nation à Kinshasa. Une manière de répondre aux demandes incessantes des Congolais à ce que Paris mette la pression sur le Rwanda, qu’ils accusent de soutenir les rebelles du M23.
«Ce que nous attendons du Rwanda et des autres, c’est de s’engager et de respecter les rendez-vous qu’ils se donnent sous la supervision des médiateurs et s’ils ne les respectent pas, alors oui, il peut y avoir des sanctions, je le dis très clairement», a-t-il ensuite soutenu.
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Le président congolais Félix Tshisekedi ne semble pas avoir apprécié les déclarations de Macron et à tout simplement rétorqué en appelant à plus de «respect», avant d’assener: «regardez-nous autrement, en nous considérant comme des partenaires et non avec un regard paternaliste».
Dans le même élan, le président congolais souligne que «la façon de voir les choses lorsqu’elles se passent en Afrique doit changer dans nos rapports avec la France en particulier, mais aussi avec l’Occident en général (…) ça doit changer dans la manière de coopérer avec la France et l’Europe».
Malheureusement, avec le président français, le ton paternaliste est une coutume. Bien avant Kinshasa, à Libreville, Macron avait déjà donné le ton. «Cet âge de la Françafrique est bien révolu et j’ai parfois le sentiment que les mentalités n’évoluent pas au même rythme que nous quand je lis, j’entends, je vois qu’on prête encore à la France des intentions qu’elle n’a pas, qu’elle n’a plus», avait-il lancé devant la communauté française vivant au Gabon.
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Seulement, si «les mentalités n’évoluent pas» au niveau du continent, c’est qu’en réalité rien ne change dans les relations entre le dirigeant français et l’Afrique.
Et ce n’est pas la première fois que le président français manque de respect à ses pairs africains, s’il les considère ainsi, et aux africains en général à cause de ses sorties paternalistes et d’impénitent donneurs de leçons.
On se rappelle également du ton inhabituellement discourtois d’Emmanuel Macron, début décembre 2019, lorsqu’il a annoncé lors d’un sommet de l’OTAN avoir «convoqué» les chefs d’Etat des pays du G5 Sahel -Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad- pour une réunion de «clarification» en ce qui concerne leurs positions sur les appels au départ des forces françaises au niveau de la région.
Un comportement qui avait suscité une incompréhension des populations ouest-africaines, suscitant des réactions outrées des internautes du continent qui ont beaucoup mis l’accent sur un comportement qui transpire le paternalisme déplacé, la condescendance et qui frise même l’insulte à l’égard des chefs d’Etat de la région.
N’ayant pas tiré les leçons, en février 2020, lors d’une visite au Salon de l’agriculture à Paris, c’est au tour du président camerounais de faire les frais de ce manque de respect de la part du président français. Alors qu’il était interpellé par un supposé activiste camerounais sur la crise anglophone et les opposants arrêtés au Cameroun, Macron n’a pas hésité à expliquer qu’il a «mis la pression» sur son homologue camerounais, Paul Biya, afin qu’il traite ces deux questions et de dénoncer «des violations des droits de l’Homme intolérables» dans ce pays».
Une réaction qui démontre l’implication de la France dans la gestion quotidienne de la politique intérieure des pays africains, suscitant le mécontentement du parti au pouvoir, mais aussi de l’opposition et de la société civile.
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En clair, avec les dirigeants africains et envers les Africains, Macron se comporte en tant que donneur de leçons. Et malheureusement, pour lui et pour la France, il ne comprend pas que l’Afrique change et la nouvelle génération, la sienne, n’accepte plus ces comportements. Du coup, la France perd du terrain, y compris dans les pays jusqu’à présent considérés comme son pré-carré.
Enfin, on se rappelle en avril 2017 de ses sorties sur la démographie africaine. Dans une vidéo de 28 secondes en marge du sommet du G20 à Hambourg en Allemagne, il a souligné que «le défi de l’Afrique, c’est totalement différent, c’est beaucoup plus profond, c’est civilisationnel, aujourd’hui », avant d’ajouter, «quels sont les problèmes en Afrique ? Les Etats faillis, les transitions démocratiques complexes, la transition démographique qui, je l’ai rappelé ce matin, est l’un des défis essentiels de l’Afrique». Et pour enfoncer le clou, il ajoute, «quand des pays, aujourd’hui, ont encore 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser plusieurs milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien». Discours qu’il a également prononcé à Ouagadougou, au Burkina Faso.
Il souligne ainsi le fond de sa pensée. Plus d’enfants en Afrique signifie plus d’immigrants vers l’Europe.
Une sortie qui avait suscité de vives réactions de la société civile, des écrivains, des historiens et de personnalités africaines. Seulement, en dépit de ces dérapages, Macron croit qu’avec les Africains, surtout avec ses pairs du continent, tout est permis.
Dans ces conditions, on comprend clairement pourquoi partout en Afrique francophone, le paternalisme de Paris, incarné par Macron, est dénoncé et le sentiment anti-français ne cesse de croître au niveau du continent, où nombre de dirigeants africains souhaitent désormais quitter le parapluie français et diversifier leurs partenaires.
D’ailleurs, l’avertissement du président congolais au président français est clair. «Si la France veut être aujourd’hui en compétition avec tous les autres partenaires de l’Afrique, elle doit se mettre au diapason de la politique africaine et de la manière dont les peuples africains regardent désormais les partenaires de coopération», a-t-il averti.