Gabon: l’État paie 40 milliards de francs CFA par an pour loger ses administrations

Libreville, la capitale du Gabon.

Le 09/01/2025 à 12h41

VidéoPour louer des locaux pour ses ministères et administrations, l’État du Gabon dépense annuellement l’équivalent des recettes du secteur forestier, l’un des piliers historiques de l’économie du pays. Et qui profitent de ces juteux contrats de location? Des particuliers, pour la plupart proches des cercles du pouvoir, se murmure-t-il à Libreville où le mot mafia est sur toutes les lèvres. Le gouvernement de transition a décidé de mettre un terme à cette gabegie.

Un État locataire, c’est l’incroyable histoire que beaucoup de Gabonais à Libreville assimilent à une «honte» «C’est un énorme conflit d’intérêt. Comment un particulier peut-il loger l’État?», s’indigne Frédérique. Ce jeune entrepreneur est d’autant plus outré qu’il se demande comment ce dossier a-t-il été tenu secret pendant tant d’années. «C’est une honte», conclut-il.

«Pour la location, il y a 4,6 milliards dans le budget annuel. Mais en réalité, le coût est de 22 milliards», avance un haut cadre du ministère de l’Habitat, ayant requis l’anonymat. Selon lui, les charges locatives de l’État sont passées de 22 milliards de francs CFA en 2021 à 40 milliards de francs CFA en 2022, soit une augmentation fulgurante de 18 milliards en l’espace d’un an seulement. À titre comparatif, le secteur forestier a contribué à hauteur de 41,9 milliards de francs CFA au budget de l’État en 2023, selon la Banque mondiale.

Des estimations financières qui ont de quoi faire bondir la presse locale qui s’en est fait l’écho. «La question aujourd’hui est de savoir si le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) pourra mettre mettre fin à cette mafia? Nous restons optimistes et espérons que tous ces gros bonnets qui ont entretenu cette mafia ne bloquent pas l’action du Président de la transition», souhaite Tanck Ulrik Mouguengui, journaliste.

Quoique que la location des bâtiments administratifs soit inscrite au budget chaque année, l’État gabonais débourse environ 5 fois plus que ses prévisions, selon les sources officielles. Une perte au profit des sociétés civiles immobilières dont plusieurs dignitaires de la République seraient actionnaires.

Indigné par ce scandale à grande échelle, le Réseau des organisations libres de la société civile pour la bonne gouvernance au Gabon (ROLBG), demande des enquêtes judiciaires pour faire la lumière sur la gestion du patrimoine immobilier de l’État. «Il appartient au parquet de la République, aux autorités judiciaires et à l’organisme de la lutte contre l’enrichissement illicite de jouer leur rôle et mener une lutte implacable contre ces organisations criminelles et ces prédateurs», alerte Géorges Mpaga, président du ROLBG. Cet appel à la justice du ROLBG contre une nébuleuse aux ramifications insoupçonnables dans les sphères de la haute administration risque de n’être qu’un «vœu pieux» souligne un observateur indépendant.

Fort heureusement, le gouvernement a pensé à se doter d’une cité administrative. Le chantier en cours à Libreville comporte 14 immeubles modernes. La cité Émeraude doit héberger les ministères et permettra à l’État d’économiser les dépenses de location.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 09/01/2025 à 12h41