Ce jour-là, au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines blessées dans la répression d’un rassemblement de l’opposition dans un stade de Conakry et ses environs, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU. Au moins 109 femmes ont été violées.
Les exactions ont continué plusieurs jours contre des femmes séquestrées et des détenus torturés dans ce qui est considéré comme l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire contemporaine de la Guinée.
Et les chiffres réels sont probablement plus élevés.
Le procès, ouvert à la date anniversaire du 28 septembre 2022, a passionné les Guinéens. Il a été diffusé quotidiennement à la télévision guinéenne et sur Youtube. Les juges ont auditionné les onze accusés, plus d’une douzaine de témoins et une centaine de victimes qui ont livré des témoignages glaçants.
«J’espère que les accusés seront condamnés pour crimes contre l’humanité et qu’une réparation conséquente sera accordée aux victimes afin de leur permettre de tourner cette sombre page de leur vie. J’interpelle l’Etat sur sa responsabilité de protéger les victimes ainsi que leur famille après le verdict», a déclaré à l’AFP Alfa Amadou DS Bah, principal avocat des parties civiles.
Le capitaine Camara, qui dirigeait la junte à cette époque, et ses co-accusés répondent d’une litanie de crimes d’assassinats, violences sexuelles, actes de torture, enlèvements et séquestrations.
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Le procureur a requis la réclusion criminelle à perpétuité contre lui et six autres accusés, ainsi que la requalification des faits en crimes contre l’humanité.
Les juges ont indiqué qu’ils ne se prononceraient sur la demande de requalification des accusations qu’au moment du verdict.
«Lutte contre l’impunité»
Les avocats de la défense ont plaidé pour des acquittements et fait valoir que rendre une décision de reclassement au moment du verdict violerait le droit à un procès équitable des accusés, les laissant sans possibilité de se défendre contre les nouvelles accusations.
Après la lecture du verdict, les accusés et les parties civiles ont le droit de faire appel dans un délai de 15 jours. Le parquet a deux mois pour faire appel.
«Ce verdict constitue un moment de vérité tant attendu pour les victimes et leurs familles», a déclaré Tamara Aburamadan, conseillère juridique auprès du programme Justice internationale de Human Rights Watch.
Les victimes ont réclamé un procès pendant des années, jusqu’à finir par douter de sa tenue. Les choses se sont accélérées en juillet 2022 quand le colonel Mamadi Doumbouya, lui-même porté au pouvoir par un putsch en septembre 2021, a demandé qu’il ait lieu la même année pour la date anniversaire des faits.
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Il s’est tenu dans un contexte de répressions vis-à-vis de l’opposition et des médias. Un appel à des manifestations - systématiquement interdites par les autorités - a été lancé pour mardi, mercredi et jeudi par des organisations de la société civile pour protester contre la «disparition forcée» d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, deux responsables du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), un mouvement citoyen qui réclame le retour des civils au pouvoir en Guinée. Les autorités nient toute arrestation et disent n’avoir aucune nouvelles des deux hommes.
«Nous attendons que le verdict de ce procès historique puisse envoyer un signal fort en matière de lutte contre l’impunité pour nos dirigeants», a confié à l’AFP Alseny Sall, porte-parole de l’organisation guinéenne de défense des droits de l’homme.
Les partenaires internationaux et les défenseurs des droits humains ont souligné le caractère historique de ce procès, le premier du genre dans un pays dirigé pendant des décennies par des régimes autoritaires, où l’impunité de forces de sécurité quasiment intouchables a été érigée en «institution», selon la commission d’enquête internationale.
Ils ont salué les progrès que le procès constitue dans la quête de justice et les conditions générales dans lesquelles il s’est déroulé, malgré des inquiétudes quant à la sécurité des victimes et des témoins.
«Ce procès mené à son terme constituait un immense défi que la justice guinéenne a su relever. La recherche de la vérité est d’autant plus significative qu’elle est faite par la justice du pays où ont été commis les faits», a souligné Me Drissa Traoré, secrétaire général de la Fédération internationale pour les droits de l’homme (FIDH).