Un désengagement après l’autre: quel avenir pour la mission des Casques bleus au Mali?

Un véhicule armé des Nations unies dans le désert près de Menaka.. AFP

Le 18/11/2022 à 14h36

Six pays ont décidé en l’espace de quelques mois d’arrêter ou suspendre la participation de leurs soldats à la mission de l’ONU au Mali, dont l’avenir est plus que jamais en question.

Après la Suède, le Salvador, le Bénin et l’Egypte, le Royaume-Uni et la Côte d’Ivoire cette semaine ont annoncé leur départ, avec des raisons différentes.

Le Bénin a invoqué la menace jihadiste sur ses propres frontières. L’Egypte a mis en avant le nombre de soldats qu’elle avait perdus au Mali. Le Royaume-Uni a allégué, malgré les dénégations de la junte malienne, le recours de la part de celle-ci au groupe paramilitaire russe Wagner.

L’engagement d’un septième contributeur important à la Minusma, l’Allemagne, est en suspens.

En l’incluant, ce sont 3.503 des 12.371 Casques bleus répertoriés au Mali en septembre qui sont concernés.

«Les rats quittent un navire qui semble en train de couler», dit un diplomate africain sous le couvert de l’anonymat.

La question de la capacité de la Minusma à remplir sa mission et même de la pertinence de son maintien est posée.

La Minusma a été créée en 2013 pour aider à stabiliser un Etat menacé d’effondrement sous la poussée jihadiste, protéger les civils, contribuer à l’effort de paix, défendre les droits humains... L’ONU l’autorisait à «user de tous les moyens nécessaires» pour exécuter son mandat.

Retombées opérationnelles

La crise n’a cessé de s’aggraver depuis 2013, malgré le déploiement de la Minusma et de forces étrangères. A côté des milliers de morts, civils et combattants, la Minusma est la mission de l’ONU la plus meurtrière au monde: 281 morts, dont 181 dans des actes hostiles. C’est aussi la plus coûteuse: 1,26 milliard de dollars de budget annuel.

La Minusma se voit chroniquement reprocher son impuissance par les populations ou les dirigeants africains. Ses fondements sont encore plus ébranlés depuis que les militaires ont pris le pouvoir à Bamako voici deux ans.

Une série d’accrochages diplomatiques a culminé avec l’expulsion du porte-parole de la Minusma en juillet. La junte fait ouvertement barrage aux investigations de la Minusma sur les droits humains et les abus dont les forces maliennes sont régulièrement accusées.

L’arrivée au Mali en 2021 d’instructeurs russes ou de combattants de Wagner selon les versions a coïncidé avec des restrictions imposées à la Minusma par les autorités maliennes: création d’une zone d’exclusion aérienne, suspension puis rétablissement des rotations onusiennes...

«Les entraves aux opérations de la Minusma au cours des derniers mois ont eu une sérieuse incidence sur sa capacité à s’acquitter de son mandat, en particulier la protection des civils», disait le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres en octobre.

La junte a poussé la France vers la sortie et le départ de l’opération Barkhane rendait encore plus nécessaire une augmentation des effectifs de la Minusma, disait-il.

Les récents désengagements contrecarrent cette attente.

Les deux défis pour la mission, pense le chercheur Yvan Guichaoua, seront de «remplacer certes numériquement mais aussi qualitativement» ces contingents dont chacun a un rôle spécifique: les Egyptiens pour l’escorte des convois, les Anglais pour les longues reconnaissances en brousse, les Suédois pour la «réaction rapide» aérienne...

Clause de revoyure

La présence des 261 Britanniques avait permis à la Minusma d’effectuer des déploiements de plusieurs semaines dans les brousses autour de Gao et Ménaka, écumées par les combattants affiliés au groupe Etat islamique.

Jean-Hervé Jezequel, directeur Sahel de l’International Crisis Group, note, lui, que «le départ des Ivoiriens est un coup dur», peut-être plus dur que les autres.

La Côte d’Ivoire, avec 872 Casques bleus, est le cinquième des 55 pays contributeurs à la mission. Or, comme les autres missions de l’ONU, la «charpente de la Minusma sont les contingents issus des pays du Sud et encore plus ceux de la sous-région».

Un fonctionnaire de l’ONU au Mali, tout en reconnaissant les «problèmes», exhorte à ne pas ignorer les apports, y compris civils, de la Minusma.

Financements d’infrastructures, appui logistique à la justice, à la santé, médiation intercommunautaire... «Quoi qu’on dise, la Minusma fait beaucoup dans des zones où l’Etat a depuis longtemps baissé les bras faute de financement ou d’envie», dit-il sous couvert d’anonymat.

Le chef de la Minusma a annoncé jeudi que les travaux de réfection de l’aéroport de Kidal (nord) avec le soutien de la mission devaient s’achever fin décembre. «On parle d’unité nationale, d’intégrité territoriale... La meilleure manière de le faire est de s’assurer que tous les endroits du Mali sont reliés les uns aux autres», a déclaré El-Ghassim Wane.

Le secrétaire général de l’ONU indiquait en juin que, «compte tenu des changements fondamentaux intervenus» sur le terrain, il ferait procéder à une analyse pour présenter des recommandations sous six mois.

La Minusma n’a pas répondu à des questions de l’AFP.

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 18/11/2022 à 14h36