Sénégal: un investisseur local prend le contrôle de l'unique raffinerie du pays

Khadim Bâ (à dr.), Directeur général de Locafrique échangeant des documents avec Jean-Louis Ekra (à g.), Président de Afreximbank, pour un crédit de 25 millions d'euros en faveur de Locafrique en décembre 2014.

Le 16/08/2017 à 13h36, mis à jour le 16/08/2017 à 13h58

Avec l'injection de 10 milliards de francs CFA dans la Société africaine de raffinage (SAR), pour acquérir les parts de Saudi Binladen Group, Locafrique, la société de crédit-bail de Khadim Ba, détient désormais plus de 51% des parts de la société.

Avec l’acquisition de 34% des parts de Saudi Binladen Group (SBG) dans la société africaine de raffinage, Locafrique est en passe de détenir la majorité absolue de la Société africaine de raffinage. Cette société, spécialisée dans le crédit-bail et appartenant à la famille Bâ, vient de débourser 10 milliards de francs CFA (15 millions d’euros) pour conclure cet achat. En plus de cela, Locafrique hériterait des droits de préemption de Saudi Binladen sur 17% du capital de l'unique raffineur sénégalais. 17% qui correspondent à la participation de l'Etat du Sénégal et qui se trouvent entre les mains de Petrosen. 

En réalité Saudi Binladen Group devait investir 60 millions d'euros pour la modernisation des installations de la Sar avant de prétendre à l'achat des 17% supplémentaires détenus par Petrosen. Le Groupe Locafrique serait actuellement en train de régler ce montage financier pour ces fonds supplémentaires, afin de respecter les engagements que Saudi Binladen Group avait pris. 

Il faut noter que Locafrique, dont le principal actionnaire est Khadim Bâ et qui a près de 40 ans d'existence, est l'une des rares sociétés sénégalaises cotées à la bourse de Londres. Cela devrait donc lui faciliter la tâche pour lever les fonds nécessaires à cette prise de contrôle majoritaire qui pourrait avoisiner les 85 à 90 millions d'euros, en prenant en compte les 60 millions d'euros d'investissements. 

Quoi qu'il en soit, si ce droit de préemption est exécuté, Locafrique prendra le contrôle de la société. Mais, selon la presse sénégalaise, cette perspective n'est pas du goût des autres actionnaires et membres du conseil d'administration, qui seraient en train de rouspéter en prenant soin de distiller quelques informations à la presse. 

Ces derniers dénoncent le «manque d’expérience» de Locafrique dans le secteur des hydrocarbures. Plus connue dans les activités de financement, Locafrique serait une néophyte dans la gestion des hydrocarbures, ce que semble confirmer sa page officielle dans laquelle elle parle de son core business. «Créée en 1977, la Compagnie ouest-africaine de crédit-bail, Locafrique, est la première institution financière spécialisée dans le leasing au Sénégal. Elle accompagne les entreprises dans leur création, leur extension, ou encore dans la diversification de leur activité», peut-on y lire. 

Toujours selon la presse sénégalaise, une bonne partie du Conseil d’administration de la Sar considère que la complexité du secteur exige que le repreneur des parts de SBG ait un savoir-faire dans le domaine du raffinage afin de corriger les manquements dus aux nombreux ratés des dernières années. La Sar a connu plusieurs déboires financiers, durant cette période.

Au cours de leurs Conseils d’administration tenus le 24 avril et le 30 juin 2017, les membres sont revenus sur des faits assez inquiétants. En effet, ils trouvent anormal qu’une raffinerie comme la Sar qui fait un chiffre d’affaires de 400 milliards de francs CFA (601 millions d’euros) par an et un résultat opérationnel de 12 milliards de francs CFA (18 millions d’euros), fasse un maigre bénéfice de 7 millions de francs CFA (10.526 d'euros).

Et la situation est d’autant plus préoccupante que l'audit interne a montré aux membres du Conseil d'administration des dysfonctionnements au sujet d’un des fournisseurs de pétrole brut qui a livré 5 cargaisons à la Sar sans la moindre trace d’appel d’offres. Et ce manque de transparence dans la gestion de la société aurait occasionné un manque à gagner de 15 millions de dollars. 

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 16/08/2017 à 13h36, mis à jour le 16/08/2017 à 13h58