Selon la BBC Afrique, qui cite une source gouvernementale gambienne, «la décision d’expulser ces 69 Sénégalais n’a rien à voir avec la politique migratoire du gouvernement d’Adama Barrow». Depuis la chute du régime de Yahya Jammeh et l’arrivée d’Adama Barrow à la présidence gambienne, les relations diplomatiques entre les deux pays frontaliers d’Afrique de l’Ouest se sont renforcées.
Mais cette expulsion intervient à la suite d’un contrôle mené à Banjul et dans sa périphérie, sur les Sénégalais vivant en Gambie et qui ne sont pas connus des services d’immigration gambienne.
En visite à Dakar, le mercredi 16 août 2017, Mai Ahmad Faty, le ministre gambien de l’Intérieur s’était longuement entretenu avec Abdoulaye Daouda Diallo, son homologue sénégalais. Les deux responsables devaient réfléchir à une stratégie commune entre les deux pays frères en matière de lutte contre la criminalité, le grand banditisme transfrontalier, les trafics de drogue et de bois et la menace terroriste.
Mais Buba Sanyang, le directeur des services de l’immigration n’a pas attendu l’aval de la justice gambienne pour ordonner l’expulsion de Sénégalais vers la frontière sud du pays qui donne sur la Casamance, le bastion du Mouvement démocratique de forces de la Casamance (MDFC). Ce qui parait bizarre de la part du nouveau pouvoir d’Adama Barrow. Même au plus fort de la rébellion casamançaise, période durant laquelle les relations diplomatiques entre Dakar et Banjul étaient en froid, la Gambie n’a jamais expulsé de Sénégalais.
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Toutefois, une lecture des événements ayant précédé cette expulsion permet d'éclairer les motivations de part et d'autre.
Un nouveau tournant dans les relations sénégalo-gambiennes
En procédant à l’expulsion de ces Sénégalais sans-papiers, après la visite à Dakar du ministre gambien de l’Intérieur, le pouvoir d’Adama Barrow veut démontrer sa bonne volonté et son soutien aux autorités sénégalaises qui ont toujours peiné à trouver une issue heureuse au problème de la rébellion casamançaise.
En effet, durant les 22 ans de règne de Yahya Jammeh, la Gambie à toujours servi de base arrière aux combattants du MFDC. Pire encore, le dictateur gambien avait offert à Salif Sadio, le dirigeant de l’aile dure de la rébellion casamançaise, un passeport diplomatique qui lui permettait de mener tranquillement son trafic et maintenir la rébellion.
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Même si la source gouvernementale de la BBC n’est pas clairement désignée, les choses semblent limpides aux yeux des observateurs les plus avertis. Les 69 Sénégalais expulsés de la Gambie, ce dimanche 20 août 2017, pourraient bien être des militants identifiés comme appartenant au MFDC et qui, pour échapper à une éventuelle arrestation, avaient battu retraite en Gambie.
Le président Adama Barrow opère ainsi une rupture avec la politique de Yahya Jammeh qui a toujours utilisé les combattants du MFDC réfugiés en Gambie pour mettre la pression sur les autorités sénégalaises. Le prédécesseur du nouvel homme fort de la Gambie profitait également de l’insécurité causée par la rébellion casamançaise pour organiser des trafics d’armes, de drogue et de bois sénégalais. En fermant la frontière à la guérilla casamançaise, le président Adama Barrow porte un coup dur à Salif Sadio et à ses compagnons.
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Il convient de rappeler que, depuis la victoire d’Adama Barrow sur Yahya Jammeh, à la suite des élections présidentielles du 1er décembre 2016, le président Macky Sall a montré son soutien indéfectible au nouvel homme fort de la Gambie.
Devant le refus de Yahya Jammeh de respecter la volonté du peuple gambien, Dakar avait accueilli Adama Barrow qui avait ainsi prêté serment en terre sénégalaise en tant que nouveau président de la Gambie.
Et pour contraindre Yahya Jammeh de respecter la légalité constitutionnelle, les militaires sénégalais avaient dirigé les forces de la Mission de la CEDEAO en Gambie (Micega). Une force qui a contraint Yahya Jammeh à l'exil en Guinée équatoriale, dans la nuit du 20 au 21 janvier 2017.