Sénégal: le Parlement coupable d'une fraude fiscale de 10 millions d'euros

Ousmane Sonko

Ousmane Sonko. dr

Le 03/10/2017 à 14h24, mis à jour le 03/10/2017 à 14h35

L’Assemblée nationale affiche un passif fiscal de 6 milliards de FCFA. La deuxième institution de la République foule aux pieds les lois qu’elle a votées, ce qui mérite des explications selon le député Ousmane Sonko qui interpelle le président du Parlement sénégalais dans une lettre frondeuse.

Dans une correspondance adressée à Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale, Ousmane Sonko, député à la 13e législature sénégalaise sollicite des éclaircissements sur la dette fiscale du Parlement. L'élu sous la bannière de «Pastef, les patriotes» soulève une série de questions auxquelles les Sénégalais attendent des réponses depuis que ce dernier a fait des révélations fracassantes sur l'impôt détourné au sein du Parlement.

Dans cette lettre datée du 27 septembre 2017, le leader du parti «Pastef, les patriotes» explique les raisons de sa démarche à l'intéressé. D’abord,« en tant que députés, nous serons amenés dans les tout prochains jours à interpeller le gouvernement, notamment, sur sa gouvernance et la conduite de l’action publique dont il a la charge », a-t-il rappelé au président du Parlement. Or, a-t-il précisé, il serait bon pour la crédibilité des élus du peuple que ces derniers «commencent par faire le ménage en leur sein».

De plus, «la treizième législature est installée dans un folklore qui jure avec votre discours plein de solennité », a-t-il poursuivi. Il a par ailleurs rappelé que dans son discours «prononcé à grand renfort de citations d’auteurs français, de rappels historiques, voire bibliques», le président de l’Assemblée nationale avait «largement mis l’accent sur les notions de responsabilité, de conscience et de discipline des parlementaires avec, en prime, des menaces à peine voilées contre les contrevenants éventuels».

Toutefois, le peuple sénégalais attend de ses représentants à l’hémicycle quelque chose de mieux que des mots. Comme l’explique cet ancien inspecteur principal des Impôts et domaines, «nous voulons bien vous accorder une présomption positive, monsieur le président, mais pas sur de simples paroles».

Plus de 6 milliards de FCFA de détournement fiscal

Entrant dans le vif du sujet, Ousmane Sonko est revenu sur les propos qu’il avait tenus avant d’être élu député le 30 juillet dernier. «L’année dernière, à pareille époque, je soulevais un cas patent de détournement fiscal impliquant l’institution que vous présidiez. Ces infractions répétitives avaient occasionné des redressements fiscaux des services compétents qui, à la date du 23 mai 2016, s’élevaient à un montant de six milliards cinq cent quatre-vingt-neuf millions sept cent huit mille neuf cent soixante-quatorze ( 6.589.708.974) francs CFA, dont des retenues à la source au titre de l'impôt sur le revenu d'un montant de 3.909.037.163 et une TVA précomptée de 2.680.671,81».

Mais au cours de la précédente législature, Moustapha Niasse avait soutenu que «la dette fiscale était héritée et ne s’élevait qu’à 120.809.722 francs CFA.

Ainsi, «il s’agit là d’une fraude fiscale caractérisée, passible de sanctions fiscales et pénales conformément aux dispositions du Code général des impôts; d’autant qu’elle porte sur des impôts retenus sur les salaires et émoluments du personnel, des députés et des prestataires», a dénoncé le leader de «Pastef, les Patriotes».

Les Sénégalais attendent des réponses

Il plaide pour le changement du mode de fonctionnement de la deuxième institution de la République. «Je souhaiterais, en tant que député, avoir l’assurance que de tels manquements graves à la gestion publique ont été traités et ne se reproduiront pas», a-t-il ajouté.

Il a également sommé le président de l’Assemblée nationale d'apporter des réponses à plusieurs autres questions qu'il pose. «Quel est le montant exact du passif fiscal dont la nouvelle législature pourrait hériter de celle écoulée et dont vous étiez président», demande le nouveau député. «Quel traitement avez-vous consacré à son apurement?», poursuit-il avant d'enchaîner par une troisième question: «Est-ce que les responsabilités de ce manquement ont été situées et , le cas échéant, quelles sanctions avez-vous diligentées?» 

Enfin, Sonko, interpellant toujours le président de l'Assemblée nationale, demande: «quelles précautions avez-vous prises pour que ce honteux épisode dit de «l’impôt des députés» ne se reproduise pas sous la 13e législature?»

Le peuple sénégalais obtiendra-t-il des réponses à ces questions posées au président du Parlement, Moustapha Niasse, par le député Ousmane Sonko? Les prochains jours nous le diront.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 03/10/2017 à 14h24, mis à jour le 03/10/2017 à 14h35