Khalifa Sall sera-t-il, ou non, finalement candidat à la présidentielle de février 2019? C'est en effet à cette question que ses partisans attendent une réponse, même si juridiquement ce n'est pas là l'objet de son pourvoi en cassation. Pour le moment, l'espoir est permis étant donné qu'aucune décision définitive n'a encore été prise par la justice sénégalaise confirmant sa condamnation à 5 ans de prison ferme, synonyme d'invalidation de la candidature.
Les avocats de celui qui a été le maire de Dakar, condamné dans le cadre d'une affaire concernant la caisse de la mairie et ceux de l’Etat, ont eu des échanges houleux, devant les jufes de la Cour de cassation, hier, jeudi 20 décembre. Maître Clédor Ciré Ly et ses collègues, composant le comité de défense de Khalifa Sall, avaient demandé que cette affaire soit renvoyée au Conseil Constitutionnel.
Mais du côté de l’Agent judiciaire de l’Etat, on a essayé d’enfoncer d’avantage l’ex-maire de Dakar, qui est, de fait, l'un des plus sérieux adversaires de Macky Sall à la prochaine présidentielle.
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La défense a évoqué des exceptions d’inconstitutionnalité. Selon eux, en se basant sur les articles 153 et 155 du Code de procédures civiles (CPC), qui est anticonstitutionnel, la Cour suprême devait casser la décision rendue le 30 août dernier par la Cour d’appel.
«L’article 155 du Code de procédures civiles est anticonstitutionnel. Il y a un réel problème en son alinéa 1, qui dit que le prévenu doit consigner avant le jugement», a soutenu maître Youssoupha Camara, avocat de Yahya Bodjan, un des co-prévenus dans l'affaire Khalifa Sall.
Cet avocat s’est également publiquement interrogé: «comment peut-on se déclarer coupable avant d’être jugé?». S’adressant aux avocats de la partie civile, l'homme de loi a également lancé cette petite phrase: «quand on est sûr des résultats, on dort sur ses lauriers».
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A l’instar de maître Demba Ciré Bathily, lui aussi dans le camp de Khalifa Sall, cet avocat a déclaré que: «la Cour suprême devait transmettre l’affaire au Conseil Constitutionnel». «Nous demandons de sauver les droits de la défense», a-t-il ensuite imploré...
ce sentiment est partagé par maître Bamba Cissé. A en croire ce dernier, «on [l’Etat, Ndlr] cherche des choses là où il n’y en a pas. On ne peut pas retenir pour escroquerie les dépenses faites à partir d’une Caisse d’avance».
Maître Borso Pouye a aussi, dans le même sens, demandé à la cour de s’en remettre au Conseil Contitutionnel.
«Les dispositions de l'article 22 de la loi 2016 du 14 juillet 2016 sur le conseil constitutionnel du Sénégal sont sans équivoques. Lorsque la loi dispose, c'est une obligation. Donc, ici, le juge n’a aucun pouvoir d'appréciation, ni de prendre une décision encore moins de juger. Et s'il le fait, on est dans un dépassement de compétence».
Et de terminer sa plaidoirie en déclarant que «le juge [de la cour suprême, Ndlr] qui n'a aucun pouvoir d'appréciation doit saisir le Conseil constitutionnel».
A sa sortie d’audience, Maître Baboucar Cissé, avocat de l’Etat, a déclaré, sans pour autant convaincre l’assistance, que «la culpabilité de Khalifa Sall est indiscutable dans l'affaire de la caisse d'avance de la mairie de la capitale».
Rendez-vous est à présent pris le pour le 3 janvier 2019 pour le délibéré, soit très précisément 17 jours avant la publication officielle par le Conseil constitutionnel, le 20 janvier 2019, de la liste des candidatures à la présidentielle sénégalaise. Le timing n'est pas anodin: en s'attardant longuement sur ces détails très précis de la loi fondamentale sénégalaise, le comité de défense de Khalifa Sall, possible challenger de Macky Sall, joue finement sa partie. Car tout l'enjeu est bel et bien là...