Sénégal: le parti de Macky Sall au bord de l’implosion, sur fond de déballage

Des responsables de l'APR. dr

Le 13/12/2019 à 08h00, mis à jour le 13/12/2019 à 08h02

L’autodestruction est lancée et le maître des lieux, le présiedent Macky Sall, reste sans rien faire. L’APR, son parti, occupe l’actualité au Sénégal, pas pour ses réalisations, mais par l’attitude de hauts responsables qui s’accusent mutuellement de malversations et de détournements.

Cette guerre fratricide entre responsables de l’Alliance pour la république (APR) a commencé au lendemain de la réélection du président Macky Sall pour un «dernier» mandat de 5 ans. Ce dernier, qui n’a pas voulu voir son mandat miné par des guerres de positionnement, a supprimé le poste de Premier ministre qui revenait souvent à son numéro 2. Un acte bien pesé par un homme qui voulait montrer qu’il restait le seul maitre à bord.

Seulement, certains y ont vu un égoïsme masqué d’un homme qui pensait peut-être à un troisième mandat. C’est alors que le chef de file des Sénégalais de l’extérieur d’alors, Sory Kaba, interrogé sur la question du mandat, affirma de manière catégorique que Macky Sall était à son dernier mandat. Une sortie qui n’a pas plu aux «faucons» du palais. Le porte-parole du parti présidentiel, Seydou Gueye a ainsi condamné ce qu'il appelle «l’indiscipline» du militant Sory Kaba et demande sa sanction.

Ce qui n’allait pas tarder, avec le limogeage de ce proche de Amadou Ba, ancien tout puissant ministre de l’Economie et des finances, aujourd’hui ministre des Affaires étrangères qui, par une magie inespérée, a repris Dakar à Khalifa Sall, lors des dernières élections législatives. Comment? La question est restée sans réponse, même si certains pensent qu’il a opéré par transferts d’électeurs ou par d’autres méthodes non conventionnelles.

Toujours est-il qu’il en est sorti ragaillardi, avec des grandes ambitions. Ce responsable qu’on n’entend jamais dire du mal de quelqu’un a pourtant des alliés dans le camp présidentiel qui n’hésitent jamais à se salir pour lui. Parmi ces proches, le griot du président, le député Farba Ngom, qui dit assumer son amitié avec le ministre Amadou Ba. Ce même député s’attaque ces derniers jours à son collègue Moustapha Cissé Lô, président du parlement de la CEDEAO et qui a clairement affiché ses ambitions de conquête de la mairie de Dakar.

Une ambition aussi prêtée à Amadou Ba. Le député Farba Ngom, très proche du président Macky Sall, dont il dit être le griot officiel, dira de son collègue que c’est un homme dont il faut se méfier. «Être avec le président Macky Sall lui a fait gagner beaucoup de choses. Macky Sall a tout fait pour lui, comme personne ne l’avait fait auparavant. Cissé Lô n’est pas un homme digne. Il n’est pas reconnaissant», a-t-il dit.

Des accusations qui n’ont pas plu au tonitruant député Moustapha Cissé Lô, ténor et membre fondateur de l'APR, qui traite à son tour son collègue de charognard qui s’engraisse aux frais du parti.

«J’ai eu mon premier million à l’âge de 20 ans et j’ai dépensé plus de 300 millions de francs cfa dans les deux dernières campagnes de Macky Sall, je n’attends rien de lui, au contraire c’est moi qui dépense mon argent pour le parti», a déclaré le président du parlement de la Cedeao qui, dans une récente sortie, accusait certains ministres et députés d’avoir détourné les semences et engrais destinés aux cultivateurs.

Sans doute, l’élément catalyseur de la vive colère de Farba Ngom qui en a remis une couche. Le maire de Agnam a à son tour accusé Cissé Lô d'avoir détourné à son profit plus de 30 millions Fcfa de dons agricoles. «Il recevait des dons au nom des chefs religieux. Même sa famille a bénéficié de ces dons. C'est une mafia que dirige Cissé Lô. C’est des mensonges quand il dit qu’il a dépensé 327 millions pour la réélection du président Macky Sall», tacle encore le député, qui accuse son collègue du parlement de la Cedeao d’avoir «trahi Senghor, Abdou Diouf puis Abdoulaye Wade». Comme cela ne suffisait pas, le directeur du quotidien national Le Soleil, prend position en faveur de son ami Farba Ngom et accuse à son tour Cissé Lô d’avoir détourné des semences destiné aux paysans.

Ne s’étant pas arrêté là, il affirme que le vice-président de l’Assemblée nationale a commis des malversations durant son mandat au parlement de la Cedeao. Pour toute réponse, le député a partagé une vidéo compromettante du DG du Soleil, où on le voit dans un endroit huppé entouré de belles filles et ou la boisson et les chichas se consommaient sans modération.

Le débat entre ces trois protagonistes est alimenté par les médias du Sénégal. Ce jeudi à la même heure, chacun de ces trois a eu droit à 1h voire 2h de temps d’antenne sur le plateau d'une chaine de télévision pour charger l’autre. Ce qui étonne et surtout inquiète, c’est le silence du chef de l’Etat, Macky Sall, également chef du parti qui vit ces moments sombres de son histoire. Qui disait encore que l’APR était comme une armée mexicaine ?

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 13/12/2019 à 08h00, mis à jour le 13/12/2019 à 08h02