Sénégal: la défiance du beau-frère du président face à l'Ofnac choque le pays

Mansour Faye, beau frère du président MAcky Sall

Mansour Faye, beau frère du président MAcky Sall. Dr

Le 29/09/2020 à 18h03

Accusé de mauvaise gestion dans l’achat et la distribution de l’aide alimentaire d’urgence pendant la pandémie de Covid-19, le ministre sénégalais du Développement communautaire a réagi aux plaintes de la société civile déposées contre lui. Une réaction plus que surprenante.

«Je ne répondrai à une convocation de l’Ofnac parce qu’il n’a pas compétence à convoquer un ministre. Si elle me convoque, je n’irai pas», a déclaré Mansour Faye sur la Radio Futurs Médias (RFM). Une déclaration surprenante sur un ton de suffisance qui a surpris et révolté plusieurs Sénégalais qui estiment que le ministre n’aurait jamais tenu de tels propos s’il n’était pas le beau-frère du président de la République.

Seulement, selon plusieurs juristes, le beau-frère du chef de l'Etat se trompte, si l'on en croit les textes qui régissent cet organe de contrôle mis en place par Macky après son accession à la magistrature suprême pour lutter, soi-disant, contre les corrompus et les corrupteurs.

Et, contrairement à ce que dit Mansour Faye, l’OFNAC est habilité à «entendre toute personne présumée avoir pris part à la commission" de faits de "corruption, de fraude et de pratiques assimilées". Il peut aussi "recueillir tout témoignage, toute information, tout document utile, sans que le secret professionnel ne puisse lui être opposé". Enfin, l'Office est habilité à demander aux banques et établissements financiers tout renseignement, sans que le secret bancaire ne puisse lui être opposé».

La loi donne également à l'Ofnac la possibilité de "s'attacher les services de tout sachant susceptible de lui apporter son concours".

Mieux, la loi consacre une indépendance totale à l'Ofnac, puisque "dans l'exercice de leurs missions, les membres de l'Ofnac ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité".

Un ensemble de dispositions qui tranchent avec ce qu'a affirmé le ministre du Développement communautaire.

Selon le constitutionnaliste, Ngouda Mboup “Au plan du droit, le ministre Mansour Faye pourrait bien être auditionné par l’Ofnac dans la mesure où aucun article de la Constitution n’interdit cette possibilité. Rien n’empêcher l’Ofnac d’entendre le ministre Mansour Faye. L’Ofnac a tous pouvoirs dès qu’il n’empiète pas sur les enquêtes en cours, notamment sur une enquête judiciaire”.

Pouvoir de contrôle de l’Ofnac…

Et Ngouda Mboup de noter au passage que “l’enquête de l’Ofnac ne doit pas se transformer en une enquête judiciaire. A l’image de l’Ige, il s’agit du travail pour exercer son pouvoir de contrôle. L’Ofnac essaie de voir comment le fonctionnement du département du ministère de Mansour Faye a pu aboutir à cette affaire sans porter de jugement”.

En dernière analyse pour l’expert, il s’agit tout simplement de décortiquer les règles de procédures de passation des marchés. Et pour l’Exécutif, seul le Président de la République qui bénéficie d’une immunité totale, n’a pas à répondre devant l’Ofnac.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 29/09/2020 à 18h03