Selon pratiquement toute la presse locale, la cohabitation est inévitable entre l'opposition dirigée par le charismatique Ousmane Sonko et la coalition du président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012. En effet, si aucun résultat officiel n'a encore été publié, les premières tendances montrent bien qu'il sera difficile, voire impossible, pour Benno Bokk Yaakar de s'assurer une victoire nette, avec une majorité absolue.
Pour Alphonse Thiakane, le statisticien de Radio Futurs Médias (RFM), chaîne appartenant au ministre conseiller et artiste Youssou Ndour et connue pour sa proximité avec le régime, sur 140 députés, Benno Bokk Yaakaar de Macky Sall peut en revendiquer 64, contre 45 pour Yewwi Askan Wi d'Ousmane Sonko et 26 pour Wallu Sénégal d'Abdoulaye Wade. Or, Wade et Sonko ont créé une inter-coalition appelant à soutenir les candidats les plus représentatifs dans chaque localité. C'est d'ailleurs ce qui empêche mathématiquement Benno Bokk Yaakaar de tout rafler.
Pour l'analyste, il reste 25 sièges indécis sur les 165 que doit compter l'Assemblée nationale, et il faudra que Benno en prenne 19 pour espérer éviter une cohabitation. Une véritable gageure.
Lire aussi : Les Sénégalais votent pour élire leurs représentants à l'Assemblée nationale pour cinq ans
Pratiquement toute la presse est allée dans ce sens. Le premier quotidien du pays, L'Observateur, appartenant toujours à Youssou Ndour, titre «Yewwi-Wallu, l'entente fatale» en reprenant à son compte les chiffres donnés par Alphonse Thiakane. Pour le quotidien Kritik', «le scénario d'une cohabitation se dessine» à l'Assemblée nationale, notamment avec Yewwi qui remporte 11 importants départements sur 45, mais représentant près des deux tiers de la population.
Le Quotidien, autre journal dont le directeur de publication Madiambal Diagne s'est autoproclamé ennemi juré d'Ousmane Sonko, titre avec un jeu de mots douteux «Sall temps pour Benno».
Même Le Soleil, média gouvernemental, a été obligé de reconnaître à demi-mot cette évidence d'une future cohabitation: «Benno et Yewwi-Wallu sortent du lot», ajoutant en commentaire que «plusieurs villes basculent vers l'opposition".
C'est dire que pour les responsables de Benno Bokk Yaakaar, la nuit a été bien courte. En effet, vers minuit et demi, l'ancienne Première ministre Aminata Touré a animé une conférence de presse en se gardant de donner une estimation du nombre de députés que sa coalition aurait eu. Elle dira simplement que «nous avons gagné 30 départements» sur 46.
Mais sur les listes, non seulement il n'y a aucun département de plus d'un million d'habitants pour avoir un impact significatif sur leur part de députés nationaux, mais aussi, et surtout, elle s'est au moins trompée pour quatre départements remportés par l'opposition ou qui restaient indécis. Il s'agit notamment de Goudomp, Mbour, Diourbel et Louga. Pour les deux premiers, les chiffres officiels émanant des préfectures font état de la défaite de Benno Bokk Yaakaar, alors que pour les deux autres, c'était encore très serré.
Lire aussi : Sénégal: dernière ligne droite d'une campagne électorale tendue pour les législatives
Evidemment, pour l'opposition, le camp présidentiel s'apprête à faire un hold-up électoral. Barthélémy Dias, maire de Dakar, parle de «vulgaire mensonge» de la part de Touré et dénonce un projet de «majorité préfabriquée».
Quoi qu'il en soit, les résultats officiels pourraient mettre une semaine à tomber au vu des contestations possibles, mais ils seront historiques. Jamais, dans l'histoire du Sénégal, le camp présidentiel n'a été aussi bousculé lors d'élections législatives.