Sénégal: ces activistes que le gouvernement de Macky Sall veut réduire au silence

Avocats et défenseurs des droits de l'homme

Avocats et défenseurs des droits de l'homme. DR

Le 01/08/2019 à 11h32, mis à jour le 01/08/2019 à 11h51

Depuis 2012, des dizaines d’activistes sénégalais et étrangers défilent à la maison d’arrêt et de correction de Reubess, communément appelée "100 m²". Le gouvernement de Macky Sall chercherait-il à réduire au silence ces détenus d'un autre genre, auxquels la justice reproche de "trop parler"?

Un mois après la descente musclée effectuée par la Division des investigations criminelles (DIC), chez Jean Meissa Diop, ancien directeur de publication du quotidien Walf Grand Place, c’est au tour du journaliste et activiste Adama Gaye de subir le même sort.

Le lundi 9 juillet dernier, vers 6 heures du matin, les éléments de la DIC ont fait irruption chez lui pour l’arrêter.

Pour justifier leur intervention chez Adama Gaye, les enquêteurs brandissent «la diffusion des propos jugés contraires aux bonnes mœurs», dans sa dernière publication, relative à la gestion des ressources pétrolières et gazières du Sénégal, qui aurait "heurté" les proches du président Macky Sall.

Ces détenus se sont, pour la plupart d’entre eux, retrouvés en prison après être accusés de diffamation ou d’avoir révélé des secrets que certaines personnalités de l’Etat ont eu du mal à étouffer.

Fait notable, la maison d’arrêt et de correction de Rebeuss refuse du monde. Pour avoir depuis longtemps dépassé sa capacité d’accueil, "100 m²", son surnom, se retrouve en surpopulaton. 

Mais, depuis 2012, ce sont des détenus «privilégiés», accusés de l’avoir "ouverte trop grande", qu’accueille la célèbre prison.

«Ce matin, j’alerte le Sénégal: pour tenter de faire diversion face à la houle des scandales qui montent vers lui, un illégitime président, tel un naufragé, se prépare à se jeter dans les bras d’une lame aiguisée, d’une bande d’escrocs, en leur apportant sur un plateau d’argent nos hydrocarbures -dans une noce d’enfer dont seul le peuple sénégalais, dépouillé, pâtira. Tu n’en n’as pas le droit Macky et nous t’arrêterons by all means necessary! [par tous les moyens nécéssaire)], avait lancé Adama Gaye sur son compte Facebook.

Avec son arrestation et le fait de l'avir ensuite déféré devant le parquet, l’Etat du Sénégal est vraisemblablement décidé à apporter à ce journaliste une riposte susceptible de le réduire en silence pour longtemps.

Seydi Gassama, directeur exécutf d’Amnesty International Sénégal, aurait-il donc raison d’affirmer que «tout prétexte est bon pour réduire au silence ceux qui critiquent le régime de Macky Sall»?

On serait tenté de répondre positivement à cette interrogation après avoir écouté la réaction du ministre de Justice qui dit «assumer sa totale responsabilité» dans l’arrestation du journaliste-consultant, Adama Gaye, qui, selon lui, a insulté le Président Macky Sall.

«La justice n’autorisera personne à fouler aux pieds les fondamentaux de la République», a-t-il ajouté.

La position de maître Malick Sall est donc sans équivoque.

Mais ce n’est pas la première fois, qu'on emprisonne quelqu'un qui a osé critiquer la politique de Macky Sall et de son gouvernement. 

Arrêté puis déféré devant le parquet, la semaine dernière, pour «fausse alerte au terrorisme», Guy Marius Sagna, Rrsponsable de la communication du mouvement FRAPP/France, avait bénéficié du soutient d’Adama Gaye qui l’avait énergiquement défendu.

Au mois de mars dernier, c’était Abdou Karim Gueye, un autre activiste, militant du parti «Pastef» d’Ousmane Sonko, qui avait été arrêté, puis condamné à 1 mois de prison avec sursis et à une amende de 50.000 francs CFA.

On se rappelle également des énormes moyens déployés par l’Etat du Sénégal pour ramener Assane Diouf, communément appelé «l’insulteur public N°1».

L’Etat était même allé jusqu’à l’accuser de terrorisme pour pousser la police américaine à le rapatrier. Après une courte période de répit, Il avait par la suite écopé d’une détention provisoire de plus d’une année avant d’être libéré.

Cela a aussi été le cas de l’activiste franco-béninois, Kémi Séba, qui vivait au Sénégal et qui avait brulé un billet de 5.000 francs CFA au cours d’une manifestation contre cette monnaie.

Il avait, lui aussi, été appréhendé après cet acte et son procès au tribunal des flagrants délits avait abouti à son acquittement. Le gouvernement avait cependant décidé de l’expulser hors du pays.

Par Moustapha Cissé (Dakar, correspondance)
Le 01/08/2019 à 11h32, mis à jour le 01/08/2019 à 11h51