Oktay Oglu, ingénieur turc travaillant dans une usine à Khartoum, s’est réveillé sous les bombes le 15 avril au matin. Ce jour-là, l’armée et les paramilitaires sont entrés en guerre au Soudan où deux généraux rivaux se disputent le pouvoir.
Avec sa femme et leurs trois enfants, Oktay Oglu a attendu longtemps une accalmie pour fuir la capitale dont les cinq millions d’habitants sont piégés par les bombardements aériens, les tirs d’artillerie et les combats de rue depuis deux semaines.
Ils ont finalement pu sortir de leur quartier de l’est de Khartoum, d’abord pour la ville de Wad Madani à 200 km au sud. Ils y ont dormi une nuit avant de reprendre la route de Gedaref, pour 250 km de plus vers l’est.
Puis, dans un de ces minibus qui n’en finissent pas d’arriver à la frontière, Oktay Oglu et sa famille ont rejoint Gallabat où ils ont dû passer la nuit à attendre la réouverture du passage, fermé de 17H00 à 08H00. Ils ont « dormi par terre en plein air », raconte-t-il à l’AFP.
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Car la petite localité de Gallabat n’a ni hôtel ni même maison en dur: ici, les habitations sont faites d’herbes sèches et de bois, comme dans de nombreuses zones rurales du Soudan, l’un des pays les plus pauvres au monde.
De Addis Abeba à Dubaï
Autour de lui, des hommes, des femmes, des enfants de toutes nationalités espèrent passer rapidement: «9.000 personnes ont traversé jusqu’ici, majoritairement des étrangers parmi lesquels beaucoup de Turcs», assure à l’AFP un responsable au poste-frontière.
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le 25 avril, plus de 3.500 personnes de plus de 35 nationalités avaient trouvé refuge en Ethiopie. Plus de 40% d’entre elles sont des Turcs et 14% des Ethiopiens.
«Les Soudanais qui traversent sont principalement des gens qui travaillaient dans le Golfe et se trouvaient au pays pour des vacances» quand les combats ont commencé, poursuit le responsable au poste-frontière, sous couvert d’anonymat.
Dhiaeddine Mohammed, 35 ans, comptable à Dubaï, est l’un d’eux.
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Si de nombreux habitants de Khartoum sont partis vers Le Caire, à plus de 2.000 kilomètres au nord de la capitale, ou vers Port-Soudan, où des bateaux embarquent pour l’Arabie saoudite après 850 km de route, Dhiaeddine Mohammed a fait un autre calcul.
«Entre Khartoum et Gondar, la première ville éthiopienne où il y a un aéroport avec des vols vers Dubaï, il n’y a que 850 kilomètres», explique-t-il à l’AFP.
Ahmed Hussein, lui, n’a pas de travail qui l’attend à l’étranger. A cause de la guerre qui en deux semaines a fait plus de 500 morts, détruit des quartiers entiers et menace désormais de faire s’écrouler les infrastructures déjà à genoux du Soudan, il a préféré abandonner sa petite entreprise à Khartoum et choisir l’exil avec sa femme et leurs trois filles.
«On va s’installer à Addis Abeba le temps de voir vers où le Soudan va aller», confie-t-il à l’AFP: «Je vais essayer de voir si je peux travailler en Ethiopie». Mais, dit-il, «je ne sais pas si c’est possible et je vais devoir faire avec les moyens que j’ai».