Abidjan voit grand: «Qu’allons nous devenir?», les petites gens craignent d’en faire les frais

La brigade de lutte contre le désordre urbain d'Abidjan en action.

Le 26/07/2024 à 12h38

VidéoLe déploiement de la brigade spéciale de lutte contre le désordre urbain pour débarrasser la ville la plus peuplée du pays de toute forme de mendicité, des commerces de rue et bien d’autres activités informelles n’est pas remis en cause par les Abidjanais. En revanche, l’absence d’alternatives au secteur informel inquiète ceux et celles qui en vivent.

Dans quelques communes d’Abidjan, notamment Abobo, Adjamé, Port Bouet, les agents de la brigade passent au peigne fin les axes principaux ainsi que les grandes artères des quartiers. Des marchandises diverses, incluant des denrées alimentaires et autres articles, des charrettes dites «wottro», sont saisies. Les équipes sont à pied d’œuvre pour libérer les voies occupées illégalement par des commerçants ambulants, des mendiants... Cette initiative, selon les autorités ivoiriennes, vise à donner à la métropole abidjanaise l’allure digne d’une capitale.

«La mise en place d’une brigade de lutte contre le désordre urbain est une initiative dont la portée est évidente car elle vise à donner un visage plus agréable à notre capitale économique qui doit être digne dans tous les sens du terme et que les Ivoiriens tirent profit des énormes investissements en cours dans le pays», a déclaré Vagondo Diomandé, ministre de l’Intérieur et de la sécurité à l’occasion de la cérémonie de mise en service de ladite brigade.

Confrontés depuis longtemps à des problèmes d’insalubrité, d’embouteillage, de pollution et d’incivisme, certains Abidjanais voient dans cette brigade une aubaine pour restaurer l’ordre et la propreté dans les espaces publics. Les marchés, naguère envahis par des commerçants ambulants, pourront retrouver la fluidité qui leur est nécessaire. «C’est une bonne chose. Les chauffeurs que nous sommes, refusons souvent les clients à destination d’Adjamé car il n’y a pas de route pour circuler. Maintenant que le gouvernement a mis en place cette brigade, je pense qu’on pourra désormais circuler plus facilement. Et en plus, nos communes et les espaces publics seront plus propres», se réjouit Simon Guébehi, chauffeur de taxi qui évitait la commune d’Adjamé dans l’exercice de son métier.

Déjà densément peuplée, Abidjan ne cesse d’étaler ses tentacules. Selon le recensement de 2021, le district autonome d’Abidjan détient la plus forte concentration d’habitants avec 2.994 personnes/km2, avec un total de 5,6 millions d’habitants. Abidjan est la ville la plus peuplée du pays. Selon l’ONU-habitat, les projections suggèrent que la population d’Abidjan devrait atteindre plus de 10 millions d’habitants d’ici 2040.

Après le passage de ces brigades dans des quartiers tels que les II-Plateaux Mobile dans l’Est d’Abidjan (Cocody), les mendiants ont quasiment disparu du «carrefour des mendiants» où ils s’étaient installés en grand nombre. Les agents ont également mis fin à plusieurs commerces de fortune illégalement installés sur les espaces publics dans ces communes.

Même si certains voient en l’instauration de la brigade anti-désordre urbain, une initiative louable qui pourrait donner une image reluisante à la capitale économique, il n’en demeure pas moins qu’elle met à mal les activités de ceux qui vivent de petits commerces.

«Nous ne sommes pas tout à fait contre l’initiative. Quand la Côte d’Ivoire est belle et propre, c’est nous qui allons en être fiers. Cependant, le gouvernement s’y prend mal. Les autorités n’ont pas prévu de sites pour nous qui n’avons pas d’argent pour prendre des magasins d’un, deux ou de trois millions de francs CFA... Qu’allons nous faire? La vente dans les rues est notre seule source génératrice de revenus», s’inquiète Korotoum Diallo, une jeune commerçante ambulante soutenue par ses camarades au marché de la mosquée d’Adjamé.

Pour eux, la situation est d’autant plus difficile qu’ils ne savent où aller. Ils reprochent au gouvernement de manquer de flexibilité. En plus de libérer les espaces publics, l’objectif de la mission de ces brigade inclut également lutte contre l’importation et l’exploitation des sachets plastiques, les affichages anarchiques sur les édifices publics, l’érection des fumoirs et contre les déjections en plein air.


Par Emmanuel Djidja (Abidjan, correspondance)
Le 26/07/2024 à 12h38