Comme au début de 2022 avec de la viande d’âne vendue dans les étals de différentes régions du pays, ces dernières semaines, c’est celle de chats, proposée par certains bouchers et qui s’est retrouvée au menu des citoyens, qui défraient la chronique en Algérie.
Ce qui au début semblait n’être qu’une rumeur, s’est révélée en fin de compte une réalité poussant l’Assemblée populaire communale (APC) de Gué de Constantine, banlieue d’Alger, à alerter les citoyens via un communiqué, les mettant en garde contre la vente de la viande de chat présentée comme étant celle de lapin. Et selon les sources, cette alerte intervient après que plusieurs boucheries de cette commune aient eu recours à cette pratique frauduleuse en induisant les consommateurs en erreur.
L’affaire a pris une telle ampleur que certains bouchers ont été obligés de conserver les têtes et les queues des lapins avec le reste des carcasses comme preuves qu’il ne s’agit pas de chats égorgés.
Une situation qui a poussé les autorités à agir, comme c’est souvent le cas, en essayant de démentir la réalité. Et pour cela, il n’y a pas mieux que de passer par l’Association de protection et d’orientation des consommateurs (Apoce) pour apporter un démenti en avançant qu’il s’agit simplement d’instructions et de sensibilisation qui a été mal comprise par l’APC de Gué de Constantine. Seulement, le président de l’Apoce lui-même reconnait que la fraude dans le domaine du commerce des viandes rouges existe bel et bien, soulignant que les instructions ont été données au niveau national.
Il faut dire que ce n’est pas la première fois que des cas de fraudes sur les viandes sont signalées en Algérie. Durant l’année écoulée, plusieurs cas d’abatage suivis de la commercialisation de viandes asines dans plusieurs régions en lieu et place des viandes bovines avaient été signalés.
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D’ailleurs, à Tlemcen, les gendarmes avaient démantelé un réseau d’abattage et de distribution de viandes d’âne, de mulet et de cheval après avoir découvert un abattoir clandestin et une boucherie vendant de la viande asine. L’opération avait permis la découverte de plusieurs carcasses d’ânes désossées et des restes enfouis dans le sol de l’abattoir clandestin. C’est dire que la viande asine s’est retrouvée dans de nombreuses assiettes d’habitants de la ville.
De même, à Oran, en janvier 2022, plusieurs têtes d’ânes égorgés avaient été retrouvés, signe que des personnes s’adonnaient à la vente frauduleuse de viande asine.
Ce trafic représente un marché juteux qui poussent certains à en faire leur petit commerce. Seulement, si la vente de viande frauduleuse s’est multipliée au cours de ces dernières années, c’est que le terrain est devenu propice à ce trafic. En effet, l’offre de viande est devenue insuffisante et, du coup, les prix ont fortement grimpé. Deux facteurs qui poussent certains à chercher des gains faciles sur le dos des consommateurs.
Du point de vue de l’offre, celle de la viande est déficitaire en Algérie. Un déficit qui s’explique par trois facteurs fondamentaux. D’abord, il y a une déficit structurel de la production locale de viande du fait que le cheptel algérien n’arrive pas à suivre l’augmentation continue de la demande intérieure tirée par la progression démographique et l’urbanisation croissante.
Ensuite, ce déficit a été aggravé par l’impact de la hausse des prix des aliments de bétails qui ont poussé un certain nombre d’éleveurs à brader une partie de leur cheptel à cause des coûts d’exploitation devenus insupportables.
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Enfin, et c’est là, le facteur essentiel qui explique l’aggravation du déficit de viandes rouges en Algérie : la politique d’interdiction des importations par le gouvernement sur instruction du président Abdelmadjid Tebboune qui en a fait l’alpha et l’oméga de sa stratégie dans le seul but de préserver les réserves en devises du pays, quitte à affamer et/ou à appauvrir le peuple.
Or, en 2019, les importations de viandes rouges avaient atteint une valeur de 210 millions de dollars (135 millions de dollars pour les viandes fraiches et 75 millions pour les viandes congelées), contre 186 millions de dollars en 2018 (104,6 millions de viandes fraiches et 81,4 millions en viandes congelées). C’est dire que le déficit en viandes rouges à combler par les importations est colossal. Et l’absence de ces importations crée naturellement une énorme pénurie. Seulement, le gouvernement algérien n’en a cure... et a d’autres chats à fouetter...
Pour preuve, en plus des interdictions des viandes fraiches et congelées, les autorités algériennes ont aussi l’interdit l’importation des bœufs espagnols, en avril dernier, dans le sillage de la crise politique entre Alger et Madrid induite par la nouvelle position du gouvernement espagnol sur le dossier du Sahara marocain. Une décision qui a aggravé la faiblesse de l’offre en viandes rouges dans le pays.
Mais pour Tebboune, la finalité de cette politique est ailleurs. Lors de sa dernière sortie publique, qui a réuni gouvernement et walis au Palais des nations le jeudi 19 janvier, il a martelé que les réserves de change se sont élevées à plus de 60 milliards de dollars, expliquant cela par la «réduction de la facture des importations d’un montant allant de 36 à 38 milliards de dollars», en soulignant que «cette facture s’est élevée par le passé à 63 milliards de dollars par an en raison de la surfacturation».
Seulement, si la surfacturation ne peut être écartée d’un revers de la main dans le gonflement de la facture des importation du pays sous l’ancien régime, force est de souligner que cette réduction notable de la facture des importations s’explique essentiellement par l’arrêt des importations de nombreux produits entrainant pénuries et flambées des prix.
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Les images des interminables files d’attente, les bousculades et les rationnement en produits nécessaires qui ont fait le tour du monde montrent clairement que cette politique d’arrêt des importations nuit aux familles algériennes.
Ensuite, il y a l’impact de la hausse des prix de la viande qui résulte logiquement du déficit de l’offre. La loi de l’offre et de la demande jouant, la faiblesse durable de l’offre a fini par faire flamber le prix de la viande. Il faut souligner qu’avant l’arrêt des importations, le kilogramme de viande rouge oscillait entre 1.150 et 1.250 dinars algériens pendant plus de 10 ans, de 2011 à 2021. Toutefois, la décision du gel des importations de viandes, décidée durant le 4e trimestre 2020, si elle a permis au pays d’économiser plus de 200 millions de dollars par an, selon les estimations du ministère du Commerce, elle a fait flamber le prix de la viande. Le kilo de viande ayant atteint, en décembre dernier, le seuil des 2.000 dinars algériens.
Ainsi, le déficit chronique et la flambée des prix de la viande ont constitué un terreau fertile pour la prolifération des ventes de viandes d’ânes et de chats.
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C’est d’ailleurs conscient de ce phénomène, que les autorités ont décidé de revoir leur politique d’interdiction d’importations de viandes. Ainsi, selon le président directeur général de l’Algérienne des viandes rouges (Alviar), Lamine Derradji, le kilo de la viande rouge fraiche va prochainement tomber à 1.200 dinars, expliquant, en décembre dernier, lors de son passage à l’émission Echourouk Morning, que «le ministère de l’Agriculture avait donné un délai d’un mois avant de recourir aux importations, à compter de la mi-janvier prochain».
Cette décision est surtout motivée par l’approche du mois de ramadan, synonyme de grande consommation de viande par les Algériens. «En prévision du mois de ramadan, de grandes quantités de viandes rouges seront importées de pays frères et d’Amérique du Sud (…) et leur prix n’excédera pas 1.200 dinars le kilo», a confirmé le président d’Alviar.