Gabon: du bureau à la rizière, la reconversion nourricière

Le 26/08/2024 à 11h10

VidéoLes conditions climatiques favorables, les sols fertiles, les pluies abondantes... n’ont jusqu’ici pas été suffisamment mis à profit pour réduire les importations d’aliments et de faire de l’agriculture un levier d’essor économique dans un pays où l’extraction minière reste dominante. Pour inverser cette tendance, certains urbains retournent à la terre.

L’appel au retour à la terre, autrefois véhiculé par les discours politiques, prend forme lentement mais sûrement. Selon les statistiques officielles, l’agriculture emploie plus de 40% de la population de la zone rurale mais ne représente qu’environ 6% du PIB. Le pays dispose pourtant d’importantes ressources naturelles, mais peine à en tirer profit, surtout, à les transformer localement pour répondre à la demande croissante.

En cause: le manque d’investissements et la fragilité des politiques publiques, qui obligent le gouvernement à se tourner vers l’extérieur pour nourrir la population. La facture annuelle des importations alimentaires se situe autour de 550 milliards de francs CFA. Face à cette réalité, des initiatives agricoles pourvoyeuses d’emplois se créent en zones rurales. Elles ont pour vocation d’autonomiser une main-d’œuvre locale (jeunes et femmes) et entendent participer à la bataille nationale de l’autosuffisance alimentaire.

À Nyali, petite bourgade située au milieu de nulle part mais en pleine forêt équatoriale sur la route de Tchibanga, au sud du Gabon, une exploitation de céréales s’étend à perte de vue. Près d’une vingtaine d’ouvriers agricoles sont à l’œuvre.

Judicaël, 39 ans, titulaire d’une licence en logistique et transport, a tout plaqué en ville pour se lancer dans un ambitieux projet de production de riz local, à plus de 600 km de Libreville. «J’ai travaillé 5 ans dans le secteur privé. C’est après avoir perdu mon emploi que je me suis reconverti dans cet intéressant projet. C’est le retour à la terre. Actuellement, le Gabon veut s’autonomiser sur le plan alimentaire, et tout ce qui est fait ici va dans ce sens. On peut avoir fait des études dans un domaine et se lancer dans d’autres secteurs. C’est mon cas. J’invite les jeunes qui peinent à trouver du travail dans un bureau à faire comme moi», lance le superviseur de la rizière.

Judicaël fait partie des nouveaux paysans pour qui être agriculteur est un choix et surtout la poursuite d’une tradition familiale. En pleine reconversion dans un monde agricole complètement aux antipodes de sa formation, il a bénéficié de l’encadrement des professionnels comme Mireille, une des doyennes de la ferme. «C’est grâce à l’agriculture que je nourris ma petite famille. Il n’y a pas que le bureau pour se faire une place dans la société. J’ai six enfants et une maman à charge.», affirme l’agricultrice.

Sur cette exploitation de 11 hectares, perché sur la moissonneuse, Florino nous partage sa passion de l’agriculture, marquée par les nouveaux moyens de production. «Aujourd’hui, ça nous facilite la tâche pour récolter, plutôt que de fatiguer nos mamans qui sont en permanence sous le soleil. Elles peuvent vaquer à d’autres occupations. C’est un métier passionnant. Nos grands-parents ont toujours vécu de l’agriculture. Ce que nous faisons ici crée de l’emploi et peut aider beaucoup de familles», dit le machiniste, la quarantaine révolue.

Pour soutenir cette vision du retour à la terre, freiner l’exode rural, les investissements en zone rurale dans les infrastructures ainsi qu’au profit des producteurs et transformateurs sont indispensables. Cela comprend les routes, les transports, la capacité de stockage, l’énergie et la gestion de l’eau.

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 26/08/2024 à 11h10