Il est 7h30 du matin au lieu-dit «dragages». Comme chaque matin, ce secteur du 6ème arrondissement de la commune de Libreville accueille déjà ses lève-tôt. Tous ou presque empruntent les «clandos». Jean-Blaise est un privilégié parmi la dizaine de passagers qui remplissent progressivement le véhicule, Isuzu Trooper, stationné sur la ligne de Milongsi, un quartier impraticable en toute saison. «On ne démarre que si le véhicule est plein. Et s’il arrive qu’on se bouscule pour monter, je préfère marcher pour aller chez moi», dit-Il.
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Pneus usés, défaut de visite technique, surcharge, des chauffeurs aux permis de conduire frauduleux mais qui n’ont rien à craindre... on roule sans rétroviseur, ni clignotants, avec des pièces qui peuvent lâcher à tout moment... et la liste est longue du condensé d’infraction et d’insécurité qui prévaut sur les lignes de la banlieue de Libreville.
Elles sont généralement marquées par des épisodes dramatiques, selon de nombreux témoignages . «On a perdu beaucoup de monde. Tout récemment on a perdu Papa François à cause du mauvais état de cette route», fulmine Ghislain, un habitant du quartier.
Dans un concert assourdissant de klaxons et de ronflements de moteurs, des jeunes convoyeurs interpellent les clients. Ici, une équipe organise le chargement par ordre d’arrivée. À l’intérieur, des véhicules alignés, les passagers sont assis par rangées de quatre sur des bancs, en lieu et place des sièges enlevés pour offrir plus d’espace.
Prêt pour le départ, Calixte redoute surtout le mauvais état des routes, «la chaussée laisse à désirer au niveau de Milongsi. Les travaux de pavage se sont brutalement interrompus», explique ce sous-officier de l’armée gabonaise à la retraite.
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En dépit du manque de confort, de nombreuses personnes ont recours à ce mode de transport. La principale raison étant que plusieurs taxis ou bus qui assurent le transport urbain ne desservent pas tous les quartiers de Libreville et sa banlieue. Freddy , 20 ans, s’est improvisé mécanicien auto dans la zone de «dragages». Il vient de prêter main forte à un de ses collègues chauffeurs de clando, «j’ai changé de roulement qui était cassé. Je suis chauffeur mécanicien, mais il m’arrive de dépanner mes frères», raconte-t-il essoufflé.
Avec plus de 800.000 d’habitants en 2024, la capitale gabonaise connaît un essor spectaculaire dû à son statut capitale politique. Les classes sociales défavorisées, tributaires des transports en commun peu efficaces, sont rejetées dans les quartiers sous-équipés, de plus en plus éloignés du centre-ville.