Inondations au Nigeria: «retrouver au moins les corps» des proches, seul espoir de victimes

Des inondations au Nigeria.

Le 03/06/2025 à 07h16

Par un après-midi chaud et humide dans le centre-ouest du Nigeria, Fatima, 26 ans et Habiba Jibrin, 27 ans, assises sous un manguier, attendant désespérément de retrouver les corps de leurs proches, qu’elles craignent de ne jamais revoir.

Les deux femmes, mariées au même homme, dorment sous cet arbre depuis que la pire inondation de mémoire d’homme dans la région, survenue la semaine dernière, a emporté leur maison, deux autres épouses de leur mari, et 16 enfants.

Fatima y a perdu quatre enfants, et Habiba six.

Mais sur les 18 membres de la famille présumés morts, seuls quatre corps ont été retrouvés.

Leur histoire, celle d’une famille presque entièrement anéantie en une journée, n’est pas un cas isolé à Mokwa, ville de l’État du Niger.

Le bilan officiel des morts reste fixé à environ 150, mais des centaines de personnes sont toujours portés disparus.

«Nous dormons dehors sous le manguier, avec un tapis et une moustiquaire. Même pour manger, nous n’avons rien», confie à l’AFP Fatima.

Les habitants interrogés disent ne pouvoir compter que sur quelques rescapés chanceux dont les maisons ont été épargnées par les inondations, face à l’absence d’un soutien concret de la part des autorités.

Depuis que les eaux boueuses ont emporté plus de 250 maisons dans la communauté jeudi dernier, le mari de Fatima et Habiba, enseignant dans une école coranique, part chaque jour à la recherche des 14 corps encore disparus. Mais l’espoir s’amenuise un peu plus à chaque heure.

Retrouver d’autres corps

Pas moins de 15 poteaux de distribution du réseau d’électricité ont été détruits, plongeant la ville dans l’obscurité.

La chaleur accablante ne laisse aucun répit, et l’eau potable se fait rare.

Les autorités locales et les ONG craignent que le choléra n’aggrave une situation déjà dramatique dans les semaines à venir.

Des volontaires et des équipes de secours déployés, retrouvent parfois des corps à 10 kilomètres de Mokwa, emportés par les eaux jusqu’au fleuve Niger.

Pourtant, Fatima et Habiba gardent espoir avec les recherches quotidiennes de leur mari.

«Nous serons soulagées s’il peut retrouver leurs corps pour que nous puissions les enterrer», dit Fatima Jibrin.

Comme les deux femmes, Fatima Muhammed espère également que le corps de son petit-fils soit localisé.

Elle préparait le petit-déjeuner jeudi matin, lorsqu’elle a aperçu un filet d’eau devant chez elle, sans se douter qu’il allait se transformer en torrent.

Elle a fui par la porte arrière de chez elle, raconte-t-elle à l’AFP, mais «mon petit-fils a été emporté alors qu’il essaie de me suivre».

Elle vit désormais chez sa fille mariée, mais sent être un fardeau pour elle.

L’aide gouvernementale fait défaut, selon les habitants.

De nombreux habitants de cette communauté à majorité musulmane expriment leur colère face à l’inaction du gouvernement, alors qu’il ne reste que quelques jours avant la fête islamique de l’Aïd al-Adha.

Aide gouvernementale

Le vice-gouverneur de l’État s’est rendu sur place vendredi dernier et a fait des promesses, et le gouvernement affirme avoir envoyé de l’aide.

Mais de nombreux habitants déclarent n’avoir rien reçu.

Signe de ce climat de tension, deux jeunes hommes ont menacé de frapper un journaliste de l’AFP qui prenait des photos, le prenant à tort pour un fonctionnaire.

Plus tôt dans la journée, une distribution de matériel de secours a été brusquement arrêtée, les habitants, sceptiques, exigeant une distribution en public, craignant une opération de communication de la part du gouvernement.

L’épouse du gouverneur, Fatima Mohammed Bago, s’est rendue brièvement dans la zone sinistrée lundi après-midi.

Fatima et Habiba Jibrin, comme Fatima Muhammed, affirment qu’elle n’est jamais venue à leur rencontre, et qu’elles n’ont reçu aucune aide du gouvernement.

«Il n’y a rien que je puisse faire», dit de son côté Mohammed Aliu, un chauffeur de taxi de 36 ans dont les enfants, la femme et la maison ont été emportés par les eaux.

«Mais je serai soulagé si je peux retrouver leurs corps», a-t-il ajouté.

Par le360
Le 03/06/2025 à 07h16