Devant une boucherie, Ernestine, fonctionnaire, soupire en examinant les morceaux de viande. Comme chaque année, elle veut préparer un repas de fête digne de ce nom pour sa famille, mais le choc des prix laisse un goût amer. «Nous constatons que de jour en jour, les prix augmentent. Le sac d’oignon en provenance du Maroc qui coûtait entre 7.000 et 8.000 francs CFA est aujourd’hui cédé pour 15.000 francs CFA. Le carton de rognons qui coûtait 11.000 francs CFA est aujourd’hui à 21.000 francs. On ne sait pas jusqu’où on va avec ces prix?»
Cette envolée des prix, qui n’épargne aucun produit de base, transforme les courses de fin d’année en un véritable parcours du combattant. Les listes d’achats se raccourcissent, les priorités revues à la baisse.
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Si le consommateur subit de plein fouet cette inflation, les commerçants, souvent pointés du doigt, se disent sous pression. Aïcha, restauratrice rencontrée au marché de Nkembo, vient de boucler, tant bien que mal, ses achats pour les fêtes. Pour elle, les racines du mal sont profondes. «Il faut revoir les taxes au niveau de la Douane pour que les commerçants qui importent la marchandise puissent à leur tour baisser les prix», propose-t-elle. Elle énumère ensuite le lourd fardeau qui pèse sur les importateurs et détaillants: «En dehors de tout ça, il y a des taxes et l’agrément à payer sans compter le loyer.» Un cocktail de charges lequel, reporté sur le prix final, alourdit la note du client final.
Cette pression sur les prix a un effet direct et visible: la frilosité des consommateurs. Dans l’allée des poissonniers du marché de Nkembo, l’ambiance est morose. Merveille Obame, commerçante, garde un œil sur son étalage bien garni, mais peine à trouver preneur depuis le matin. «Regardez comment c’est triste. Il n’y a pas de clients parce que beaucoup ne sont pas encore payés. Alors s’ils n’ont pas l’argent, ils ne peuvent pas venir au marché.»
Cette image d’étals pleins et de vendeurs désœuvrés résume à elle seule le paradoxe de cette fin d’année: l’offre est abondante pour les réjouissances, mais le pouvoir d’achat, lui, fait cruellement défaut. La «chaîne» évoquée par Merveille est bien réelle.
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Alors que les préparatifs devraient être synonymes d’excitation et de partage, ils sont marqués à Libreville par une forme de résignation. Les familles gabonaises déploient des trésors d’ingéniosité pour célébrer malgré tout, privilégiant la chaleur des retrouvailles à l’abondance matérielle. Les commerçants, quant à eux, espèrent un dernier afflux de clients après les paiements des salaires, un espoir qui se lit dans leur patience à garder leurs stands ouverts tard dans la nuit.
Les fêtes de fin d’année 2025 au Gabon racontent ainsi une double histoire: celle, immuable, de la tradition et de la convivialité, et celle, plus actuelle, d’une économie sous tension où chaque franc CFA compte.


