Libreville: le lac Nzeng Ayong, une histoire sans fin d’inertie, d’immondices et de noyades

Le lac Nzeng Ayong de Libreville.

Le 02/11/2024 à 09h57

VidéoQu’attend l’agence nationale de promotion des investissements pour «améliorer le cadre de vie des populations, dresser une cartographie des zones inondables, créer des lieux d’agrément...» comme elle s’est engagée à le faire aux abords du lac Nzeng Ayong? Qu’il y ait plus de morts par noyade? Et c’est en vain que Le360 Afrique a tenté d’avoir quelques éléments d’informations auprès du maire du 6ème arrondissement de Libreville.

Il y a dans la fiche technique du projet d’aménagement du lac de Nzeng Ayong à Libreville de l’agence nationale de promotion des investissements un bien curieux renseignement. Si l’agence précise que le coût de cet aménagement est de 7,350 milliards de FCFA, en revanche à la case ‘durée du projet’, la précision vaut son pesant de dangers: «indéterminée.» Pourtant, cette pièce d’eau artificielle, résultat insoupçonné de l’extraction de clinker, remonte aux années 1980.

Situé dans le 6ème arrondissement de Libreville, ce plan d’eau d’une douzaine d’hectares et d’une profondeur inconnue n’est pas un site naturel. À l’origine, il s’agissait d’une carrière d’extraction de clinker qui est un constituant du ciment, qui a été abandonnée à la fin des années 80 par la société africaine de construction (SOCOBA) spécialisée dans le BTP.

Au fil des années, le «trou» laissé par la carrière s’est rempli d’eau et ne fait que s’élargir, exposant ainsi les populations installées aux abords, notamment les enfants, à un danger permanent. À défaut d’utiliser les eaux du lac, les riverains en ont fait un dépotoir en y déversant les déchets de toute nature: bouteilles plastiques, sachets, épaves d’appareils, vieux matelas et autres immondices provenant des ménages.

Des eaux capables d’engloutir un engin de chantier

Suzanne Abeng, 70 ans, est une notable du quartier Nzeng Ayong fromager. Elle fait donc partie des rares témoins encore établis sur place et pouvant tracer l’histoire de cette pièce artificielle qui se trouve juste à l’arrière-cour de son domicile. «À l’époque du lancement des chantiers routiers du quartier, c’était ici que les ouvriers venaient extraire le clinker. Avec l’intense activité de l’exploitation, l’eau a commencé à sortir de terre jusqu’à engloutir un Caterpillar de SOCOBA, qui reste introuvable des décennies après la fin du chantier», explique la septuagénaire, visiblement fatiguée par le poids de l’âge.

Ainsi, au fond de ce lac sorti du néant, sommeille un gros engin de chantier. Qu’en est-il alors du frêles corps des enfants? Des riverains affirment en effet que plusieurs jeunes ont péri noyés, «parmi les élèves des lycées environnants qui viennent y passer leur temps, certains meurent par noyade» se désole Gaël Zang, habitant de Nzeng Ayong fromager.

En ce début de saison de pluies, la seule évocation des pertes en vies humaines dans ce mystérieux lac accentue les inquiétudes chez les habitants de ce quartier de triste réputation. «Il faut faire très attention. Parce que quand un enfant vient ici avec des amis, ils peuvent très vite se retrouver partout à la fois. Et l’irréparable est vite arrivé s’il se rapproche de l’eau. C’est vraiment dangereux», craint, Darcy Ndong, un habitué du lac de Nzeng ayong.

De jeunes vies se perdent

C’est donc en connaissance de cause que cet agent de sécurité en parle. Lui qui accompagne sa petite fille, sur un lieu de tous les dangers. Mouriva, tenait à voir d’elle- même, l’ampleur du lac qui défraie la chronique. «C’est vrai que c’est dangereux, mais papa m’a parlé de ce lac en me montrant la photo dans le téléphone. Je suis venue pour le voir en vari. Je vois qu’il est profond et entouré de poubelles», regrette l’adolescente.

En effet le lac est en proie à la pollution. Pour les spécialistes de l’environnement, ce désastre écologique favorise la prolifération d’agents pathogènes et constitue un danger de santé publique pour les populations riverains. Pourtant en zone humide, son aménagement à des fins économiques reste utile dans plusieurs domaines de développement durable. C’est le souhait de Jonathan Biveghe, un autre habitant du quartier «On peut faire d’ici une zone touristique. Mettre un grillage tout autour et installer des bancs publics pour les visiteurs du lac» souhaite-t-il.

L’aménagement du site, l’Arlésienne à la gabonaise

C’est aménagement est d’ailleurs annoncé par l’agence nationale de promotion des investissements qui compte y réaliser «un canal d’évacuation du lac, construire une clôture, améliorer d’éclairage public, aménagement d’un espace vert et des allées piétonnes à l’abord du Lac, création des activités nautiques sur le Lac (balade en pirogue, jet sky …), créer des lieux de rencontre et de socialisation: café, hôtel, bar, restaurant…».

Devant les inquiétudes suscitées par la promiscuité de lac pollué avec les populations de Nzeng Ayong fromager , nous avons souhaité rencontrer le maire du 6ème arrondissement de Libreville, notre demande d’entretien est restée sans suite. Les populations attendent désespérément le lancement des travaux d’aménagement d’espaces verts, de rues piétonnes, bars restaurants autour du lac de nzeng ayong. Un projet de l’agence nationale de promotion d’investissement (ANPI) longtemps annoncé et chiffré à plus de 7 milliards de Francs CFA, mais qui n’a jamais connu un début d’exécution

Par Ismael Obiang Nze (Libreville, correspondance)
Le 02/11/2024 à 09h57