Selon la Banque mondiale, «le niveau d’urbanisation du Gabon est l’un des plus élevés d’Afrique, avec plus de 80% de sa population, 2,4 millions en 2023, résidant dans des zones urbaines. Les deux principales villes, Libreville et Port-Gentil, abritent près de 59% des habitants». Cette pression démographique que subit la capitale du pays complique la tâche des urbanistes et décideurs politiques. Pour y remédier, le 17 janvier dernier était lancée l’opération «Restauration de l’ordre urbain» par le délégué spécial en charge de la mairie de Libreville, le général de brigade Jude Ibrahim Rapontchombo.
Abel, 40 ans, un des habitants de la vallée de Montagne Sainte à dans le 3ème arrondissement de Libreville, est témoin de la transformation de son quartier depuis quelques semaines. Ce secteur de la ville devient, avec la construction d’une voie de contournement, l’un des marqueurs des politiques publiques du pays en matière de modernisation des infrastructures urbaines.
«C’est la seule voie secondaire la plus appréciée en ce moment avec des lampadaires, du wifi, des aires de jeu et des jardins publics. C’est une offre du président. Maintenant l’entretien dépend des habitants du quartier et du maire qui est le garant de la ville», lance-t-il, sous forme d’appel à une prise de conscience collective pour préserver cet espace public.
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La politique d’assainissement de la capitale enregistre encore quelques poches de résistance. Sur le site de l’ancienne gare routière, après le passage des engins chargés de détruire les installations anarchiques, les commerçants informels comme Mohammed, ont très vite réinvesti les trottoirs pour vendre leur marchandise.
Une attitude des vendeurs à la sauvette aux allures d’acte de défiance contre le projet municipal visant à recaser tous les opérateurs économiques dans le grand marché Mont-Bouët, situé non loin de l’ancienne gare-routière. «Tout est déjà occupé dans ce grand marché. En ce moment tu ne peux pas aller revendiquer une place là-bas au risque d’avoir des problèmes», explique Adel.
Fred partage le même espace que Mohammed sur le trottoir. Contre mauvaise fortune bon cœur, il comprend le bien fondé de l’opération de restauration de l’ordre urbain. «C’est une bonne initiative dans le sens ou on ne doit pas exercer anarchiquement. Nul ne doit échapper à l’ordre établi. Mais nous demandons juste que les autorités nous aménage des espaces de commerce», soutient-il.
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À beau chasser le naturel, il revient au galop! Les installations anarchiques du domaine communal, les eaux usées sur la voie publique, les dépôts à ciel ouvert des déchets ménagers et industriels ou encore l’abandon des véhicules, des épaves et autres objets encombrants sur l’espace public, demeurent un frein au succès de l’opération.
«Le maire actuel est un militaire. Il doit former des brigades environnementales qui doivent travailler avec le ministère de l’environnement pour veiller à la protection des espaces publics. À la mairie il existe pourtant une direction de l’environnement, mais je ne sais pas à quoi elle sert», se désole Sosthène Mbatchi, un agent de sécurité.
En définitive, plus de cinq mois après son lancement à travers les six arrondissements de Libreville, l’opération de restauration de l’ordre urbain connait un bilan d’étape au succès plutôt mitigé.