Après le tollé intra-européen soulevé par les affaires d'optimisation fiscale excessive des entreprises américaines comme Google, Amazone ou Apple, voilà que l'Europe dresse sa liste très partisane des paradis fiscaux. Les concepteurs de ladite liste ont tenu uniquement compte du fait que l’évasion et la fraude fiscale coûtent annuellement des centaines de milliards de dollars aux Etats européens.
17 pays sont d'ores et déjà blacklistés et qualifiés de paradis fiscaux. Sauf qu'en Afrique, les pays qui figurent dans cette liste ne sont pas ceux qu'on a coutume de dénoncer: Ile Maurice, Liberia ou Seychelles. Au contraire, on n'en trouve que deux: la Tunisie et la Namibie.
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Du coup, cette décision a suscité de vives réactions dans les deux pays. En Namibie, on dénonce avec force la décision «injuste et discriminatoire» de l’Union européenne. Selon le ministre namibien des Finances, «en raison d’un problème de communication, nous n’avons pas respecté une date-limite, mais cela ne fait pas de la Namibie un pays non-coopératif ou un paradis fiscal», ajoutant que «la Namibie est même plutôt victime des mouvements de capitaux illicites, comme cela a été démontré dans les Paradise Papers». Les autorités de Windhoek reconnaissent tout de même un problème de communication, en ce sens que le pays a dépassé la date-butoir fixée par l’Union européenne pour répondre à sa demande.
Quant à la Tunisie, elle a exprimé sa surprise et sa consternation face à la décision de l’Union européenne. Dans son cas, c'est le refus des autorités tunisiennes de suspendre les avantages fiscaux accordés aux exportateurs et le non respect des engagements pris auprès de l’OCDE, notamment ceux concernant les échanges d’informations fiscales et de taxation des multinationales, qui explique la mesure européenne.
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En effet, les sociétés étrangères exportatrices, européennes notamment, bénéficient en Tunisie d’un régime fiscal offshore très attractif. Celles-ci ne sont pas soumises au régime de change, s’acquittent d’un impôt sur les bénéfices de 10%, bénéficient d’une non-double imposition, sont exonérés de TVA pour les règlements reçus de l’étranger et les achats faits en Tunisie. Et pour couronner le tout, la Tunisie leur offre le secret bancaire.
L’Union européenne avait donc demandé à Tunis de relever l’impôt sur les bénéfices de 10 à 25% et d'appliquer une plus grande transparence pour lutter contre l’évasion fiscale.
Mais en abandonnant le régime offshore, la Tunisie, qui dépend fortement des recettes des exportations et des entreprises exportatrices pour la création d’emplois, risque de freiner son économie. Selon le ministre des Finances tunisien, cette décision s’explique par «une tentative de certains pays européens de vouloir freiner la délocalisation d’entreprises européennes vers la Tunisie».
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Les conséquences d’une telle mesure sur les pays indexés seront fâcheuses. L’Union européenne pourrait suspendre sa coopération avec eux dans un certain nombre de domaines. Or, entre 2011 et 2016, l’Union européenne a prêté 3,5 milliards d’euros à la Tunisie pour l’aider à sortir du marasme dans lequel elle est plongée depuis la révolution de 2011.
De plus, les investissements des entreprises européennes pourraient être freinés dans ces pays. En effet, les investisseurs européens pourraient être dissuadés d'investir dans des pays désormais considérés comme des paradis fiscaux. Une situation qui risque de porter un coup dur à l'économie tunisienne.
Du coup, un conseil ministériel restreint s’est réuni en urgence mardi soir. Et l’opposition tunisienne, tout en épinglant l’Union européenne pour cette décision jugée «peu amicale» et «injuste», a aussi critiqué le gouvernement qui n’a pas été à la hauteur pour gérer ce dossier.
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Reste que la décision de l’Union européenne est loin de faire l’unanimité. Beaucoup d’observateurs jugent la vision de l'UE étriquée. La preuve, aucun pays européen ne figure dans cette liste (Luxembourg, Monaco et Andores, Malte, Irlande, etc). Une liste peu crédible donc, comme le fait remarquer Dominique Plihon, porte-parole de l’ONG Attac: «C’est un leurre puisque cette liste exclura les paradis fiscaux européens».
En effet, tout membre de l’Union européenne est censé respecter le droit européen en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale: accepter les échanges automatiques des données, refuser d’attirer les sociétés offshore en pratiquant du dumping fiscal et adhérer aux exigences européenne pour lutter contre la fraude fiscale. Mais tous les pays européens respectent-ils ces trois critères?