Tunisie: pénurie de sucre, plusieurs industries à l’arrêt

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Le 10/09/2022 à 10h29, mis à jour le 10/09/2022 à 10h30

La Tunisie fait face à une pénurie aigüe de sucre. Conséquence: plusieurs unités industrielles, notamment celles de jus, de produits laitiers, de biscuits et de boissons gazeuses, sont à l’arrêt. Plusieurs facteurs sont derrière cette pénurie.

Selon le secrétaire général de la Chambre syndicale du tourisme, du commerce et des industries alimentaires à Ben Arous, Souhail Bouklhris, cité par Tunisie Numérique, des usines de jus, de yoghourt, de boissons gazeuses, ainsi que des biscuiteries vont s’arrêter à cause de la pénurie de sucre. Dans d’autres villes, plusieurs usines ont déjà fermé et mis leur personnel en chômage technique.

Presque toutes les régions du pays sont concernées par cette pénurie de sucre qui remonte, selon les industriels, à fin juin, lorsque l’Office du commerce a réduit l’approvisionnement des industriels, dont les fabricants de boissons. Et fin août, les autorités ont reconnu que le pays était confronté à des pénuries, imputant celles-ci à des «perturbations des chaînes d’approvisionnement et la hausse des prix et des coûts du transport au niveau mondial», dans le sillage de la guerre Russie-Ukraine.

Reste que l’explication avancée pour expliquer cette pénurie du sucre est loin de convaincre. Selon Elès Ben Ameur, directeur général de l’Office tunisien du commerce, «un dysfonctionnement dans l’approvisionnement en sucre existe et les stocks ne suffisent pas pour la consommation ordinaire du pays». Fin août, il avait expliqué que la pénurie du sucre sur le marché tunisien était le résultat d’un désistement d’un des fournisseurs du pays qui devrait en livrer 18.000 tonnes. Il avait été annoncé que les autorités ont réglé ce problème par l’achat par le ministère du Commerce de plus de 78.000 tonnes de sucre. Seulement, les Tunisiens et les industriels attendent toujours cet approvisionnement.

La réalité semble être plus complexe que la défaillance d’un fournisseur. En effet, au niveau local aussi, l’offre a été impactée par l’arrêt de l’usine de la Société tunisienne du sucre (STS) de Béja depuis plus d’un mois. L’usine en question est à l’arrêt à cause de la panne de plusieurs machines due au manque de pièces détachées.

La situation s’explique par le manque de liquidités de nombreuses entreprises publiques tunisiennes qui font face à des difficultés financières aiguës à cause notamment de la crise économique profonde que connait le pays depuis quelques années et qui s’est aggravée depuis plusieurs mois du fait de l’absence d’un accord entre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI), éloignant ainsi la possibilité d’accès à un prêt de cette institution et à la possibilité de sortir sur le marché international de la dette.

Conséquence: les agences de notations (Fitch, Moody’s et Standard & Poor’s) alertent sur les risques de défaut de paiement de la Tunisie. Les fournisseurs de la Tunisie, inquiets de cette éventualité, préfèrent donc se prémunir contre tout risque d’impayés en privilégiant le paiement avant toute livraison de marchandises. Une situation qui expliquait déjà les pénuries de blé en mars dernier lorsque des bateaux chargés de cette céréale avaient refusé de décharger leurs cargaisons du fait que l’Office tunisien des céréales était en difficulté financière et donc dans l’incapacité de faire face à ses engagements sans une intervention de l’Etat. Or, si les négociations avec le FMI sont bloquées, c’est en grande partie à cause des subventions dont bénéficient ces produits de première nécessité. 

En attendant, pour faire face à cette situation d’urgence, les autorités tunisiennes se sont tournées vers l’Algérie, où ils ont passé une commande de 20.000 tonnes. Toutefois, l’acheminement du tonnage commandé se fait au compte-gouttes à cause des procédures douanières du côté algérien. Le jeudi 8 septembre, les autorités tunisiennes ont fait état de l’arrivée d’une cinquantaine de camions transportant du sucre et venant de l’Algérie. Selon elles, un lot de 2.000 tonnes sera distribué durant ce weekend. Rappelons à ce titre que le sucre fait partie, à l'instar de l'huile, des dérivés du blé, de la semoule, des pâtes, etc., des produits alimentaires dont les autorités algériennes ont interdit l’exportation.

Et pour rassurer le peuple, les autorités tunisiennes ont annoncé que des importations de sucre en provenance de l’Inde sont en cours d’acheminement. Reste à savoir si les quantités seront suffisantes pour permettre la reprise normale des activités des unités industrielles du pays.

En attendant, cette pénurie du sucre et les arrêts des unités de production concernées commencent à provoquer le mécontentement des salariés de ces dernières. A Ben Arous, les salariés, inquiets de se retrouver en chômage technique, ont annoncé des mouvements de protestation.

Par Karim Zeidane
Le 10/09/2022 à 10h29, mis à jour le 10/09/2022 à 10h30